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Au printemps, le ginkgo renaît toujours

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Je voudrais remercier toutes celles et ceux qui nous ont soutenus, aidé, encouragé pendant cette campagne municipale. Pour moi et pour mes camarades écologistes Jacqueline et Marie, c’était une dure campagne. Nous n’étions pas à l’endroit où nous aurions voulu être. Cette stratégie n’était pas la nôtre. Nous l’avons subie et assumée par loyauté. Mais ce n’était pas la stratégie qui nous semblait la plus efficace pour transformer cette ville et son territoire par un projet écologiste, durable, solide. Comme elles, j’ai mis toute l’énergie que je pouvais mettre, loyalement, pour tenter des choses de l’intérieur, contrer l’apathie, les verrouillages et les blocages d’une société montpelliéraine qui a du mal à croire en son avenir, et poser les fondations d’un autre débat politique. Je l’ai fait en croyant que c’est possible, comme ça je peux me regarder dans la glace.

Je prendrais le temps de faire un bilan plus détaillé dans quelques jours, et de raconter un peu comment j’ai vécu les choses de l’intérieur, parce que je crois qu’il est essentiel de dire comment les choses se passent.

Philippe Saurel a gagné, au terme d’une campagne dans laquelle il a su indéniablement trouver l’angle du moment, et la stratégie la plus efficace pour l’imposer.

Je le félicite : il a su se mettre à l’écoute de la ville, et entendre le ras de bol des Montpelliérains face aux pratiques clientélistes qui touchent tous les appareils politiques montpelliérains, y compris EELV. Il s’est passé peu de journées pendant cette campagne où je n’ai pas entendu ce ras-le-bol.

Il s’est également passé peu de jours sans que je n’entende une vraie interrogation sur le devenir de la ville. Je regrette profondément qu’aucun véritable projet écologiste n’ait émergé dans cette campagne, et qu’il n’y ait pas eu de bulletin vert à mettre dans l’urne au 1er tour.

Fort de son hégémonie sur le groupe local EELV de Montpellier, Mustapha Majdoul a mis en œuvre des combinaisons politiques à courte vue, entraînant la quasi-disparition de l’écologie politique dans cette ville, alors que nous étions en mesure de porter un projet écologiste qui aurait pesé dans le débat. Cette stratégie, ici comme à Marseille, a été sévèrement sanctionnée dans les urnes dès le premier tour. Alors même que, dans toutes les grandes villes où les écologistes se sont présentés sur un projet autonome, leurs idées ont progressé dans l’opinion comme dans les futurs gouvernements locaux, EELV, qui avait 3 conseillers municipaux dans l’opposition lors du dernier mandat, en aura 1, toujours dans l’opposition. Quelle débandade. Il faudra en tirer toutes les conséquences.

Il faut maintenant reconstruire l’écologie politique à Montpellier. C’est un travail de fond, et d’abord un travail sur les dossiers. Les écologistes exerceront leur vigilance dans la mise en œuvre des engagements du nouveau conseil municipal, et du nouveau conseil d’agglomération.

C’est aussi la nécessité d’ouvrir le débat, beaucoup plus largement. Face à cette défaite des systèmes partisans, il n’y a qu’une alternative : tenter de reconstruire un système identique sur les cendres de celui qui vient de mourir, ou profiter du seul acquis de cette campagne d’union, la transversalité des pratiques, pour permettre à une génération de démocrates de préparer un autre projet pour la ville. Un projet fondé sur la transparence démocratique, la sobriété des finances publiques, la gestion durable de nos ressources, la transformation de l’économie locale autour d’un projet durable. L’écologie est une alternative globale. Elle ne se construit ni par la révolution, ni par l’incantation, encore moins par le greenwashing. Elle se construit en pollinisant, en montrant qu’elle est possible au quotidien. Ni par des accords d’appareils, ni par l’enfermement dans des niches confortables et minoritaires, mais par le débat, et la sincérité des engagements.

C’est le moment. Au printemps, le ginkgo renaît toujours, et bourgeonne.

*«Et pourquoi le ginkgo?» me demande-t-on. Parce que le ginkgo est un arbre légendaire, fossile, rescapé des ères précédentes, et qu’il renaît toujours. A Hiroshima, le premier signe de renaissance de la vie fut le bourgeon d’un ginkgo, que le feu nucléaire n’avait pas pu détruire. Les premiers ginkgos français ont été implantés à Montpellier, au jardin des plantes.

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L’abeille, le romantisme politique, et la participation gouvernementale

« Je ne voterai pas pour la liste sur laquelle tu es. Même si c’est vrai que de l’intérieur on semble pouvoir faire bouger plus les lignes, on hypothèque les vraies ruptures, constructions alternatives, dont la ville (le pays) a besoin… »

Je prends ce message pour incipit1, mais j’aurais pu en prendre d’autres, tournés différemment, qui posent la même question, celle de la participation des écologistes aux gouvernements, quelle que soit l’échelle du territoire. Une interpellation qui m’est adressée, comme elle est adressée à toutes celles et ceux qui s’engagent pour gouverner au sein d’une majorité plurielle, quel que soit le rapport de force et les modalités qui président au futur rassemblement.

La participation hypothèquerait, donc. Elle engagerait l’avenir en fonction d’une chose que l’on espère pouvoir acquérir, elle créerait de ce fait une obligation susceptible de compromettre l’accomplissement de quelque chose.

C’est une chose de le dire, c’est autre chose de le démontrer. Hormis le fait que les avancées seraient certainement autres si l’écologie était majoritaire politiquement, qu’est-ce qui permet de dire que la participation aux exécutifs hypothèque les vraies ruptures ? Quels sont les éléments tangibles qui permettent d’étayer cette affirmation ?

Lorsqu’on constate qu’une part très importante du programme fondamental des écologistes s’est diffusée dans le corps social autant que dans le corps politique, et que, si d’autres que nous le mènent, le résultat est souvent du seul greenwashing, peut-on considérer que la non-participation permet de lever l’hypothèque ? Ou n’est-ce pas plutôt l’inverse ?

Il y a lutte, y compris au sein de la formation qui porte l’écologie politique, contre ceux qui se servent du label écolo comme un simple étendard. Qu’est-ce qu’on fait ? On leur laisse le terrain libre ? Dans ce cas là, quelle est l’alternative ? Porter le discours ailleurs, autrement, construire une autre formation politique ? Essayer de reprendre la main sur un outil déjà construit ? Et si on y arrive pas, on laisse filer ?

J’aimerais bien me contenter de cette vision éminemment romantique qui affirme que tant que les conditions ne sont pas réunies pour gouverner idéalement, il faut s’abstenir de gouverner. Non pas que cette position soit rassurante pour l’avenir, mais parce qu’elle permet de rester dans un confort intellectuel, celui de ne pas avoir à affronter les contradictions de la société que l’on souhaite pourtant représenter et changer, et celui de ne pas avoir à affronter ses propres contradictions.

Mais en fait, non, je n’aimerais pas. L’histoire politique m’enseigne une chose à propos du romantisme politique, c’est qu’il n’a que deux débouchés : l’impuissance et le totalitarisme. Donc, jusqu’à ce qu’on me démontre que l’hypothèque est vraiment du côté de la participation, et non l’inverse, je continuerai à lutter à l’intérieur du champ démocratique qui s’impose à nous, plutôt que de témoigner de mon impuissance depuis l’Aventin, en exhortant une plèbe – qui n’existe plus – à prendre d’assaut un mont sacré – tout aussi inexistant.

Ça ne revient en rien à dire que c’est le seul mode d’action politique, qu’il est exclusif d’une pollinisation par d’autres vecteurs.

La pollinisation, cet emprunt politique au comportement des abeilles, qui portent par leur activité quotidienne la possibilité de la vie de proche en proche, est certainement ce qui différencie le plus l’écologie politique des autres courants du changement.  Ce mode de diffusion des idées, par les associations, par l’adoption individuelle d’autres règles de conduite, par l’exemplarité de certains et la faisabilité de solutions techniques, n’est pas qu’une image, une métaphore. C’est le moyen pacifique et efficace de mener la seule révolution qui soit écologiste, la révolution copernicienne, celle qui vise à développer l’état de conscience que l’activité humaine est polluante, et qu’il faut limiter cette « empreinte » si l’on veut permettre aux générations futures de vivre encore sur cette planète.

La participation politique aux institutions qui gouvernent est la traduction, au cœur des appareils de pouvoir, de cette pollinisation. Elle en est le complément indispensable si, comme moi, on refuse la position romantique qui consiste à préférer l’infinité du désir aux satisfactions éventuelles, toujours disqualifiées parce que non idéales, et donc forcément décevantes2.

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Les roses aussi ont besoin d’être pollinisées – Crédit photo : Michael Vincent Miller


  1. et j’espère que son auteur ne prendra pas ombrage de cet emprunt 

  2. Philip Knee, Romantisme et politique, université de Laval, 2007 

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La 6° république de Mélenchon est à la république ce que le 6° sens est aux 5 autres sens : une mystique

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Je cherche une raison qui pourrait m’amener à manifester le 5 mai pour une sixième république, à l’appel de Jean-Luc Mélenchon. Je n’en trouve pas. Ça m’embête. Je combats la V° république depuis si longtemps. Pendant des années, j’ai enseigné sa nocivité à mes étudiants. J’ai travaillé avec ceux qui, il y a déjà quinze ans, se penchaient sur la nécessité d’un nouveau contrat social. Et nous étions alors des marginaux.
Je pourrais redire ici ce qu’ont déjà très bien dit Bastien François et d’autres, que je ne trouve pas le programme ni du Parti de Gauche, ni du Front de Gauche en la matière. Que je ne vois rien d’autre qu’un appel à une constituante, et quelques principes jetés sans développement.
Je cherche une exemplarité que je pourrais suivre, sur le cumul des mandats, par exemple. Quand les trois-quarts des parlementaires Front de Gauche cumulent leur mandat de député ou de sénateur avec des mandats de maires ou de conseillers généraux, régionaux, des présidences d’intercommunalité, ce n’est assurément pas là que je vais la trouver. Dans la parité ? Deux députées sur dix. Encore un effort, camarades.
Je pourrais chercher la confiance dans une organisation qui fonctionne différemment des organisations issues du mouvement ouvrier, qui n’ont souvent fait que copier la structuration pyramidale des pouvoirs qu’elles étaient pourtant sensées combattre. Je cherche en vain des textes forts du Parti de Gauche assumant une démocratie horizontale. Je ne trouve que des incongruités (des responsables locaux élus au suffrage majoritaire), et des appels à la démocratie directe, une base qui interpelle un sommet, et de multiples niveaux de hiérarchie entre les deux.
Je pourrais me laisser guider par les mots, par un élan.
Mais si je combats la V° république, c’est d’abord parce que c’est un régime bonapartiste. Un régime taillé par et pour un homme providentiel, celui qui par son charisme saura emmener le peuple. Je ne rejette pas le charisme. J’ai suffisamment lu Max Weber pour reconnaître que certains changements profonds sont favorisés par la capacité d’un leader à les populariser. Mais je sais aussi que le charisme n’est pas une solution. J’ai lu Ian Kershaw, et j’y ai appris que le charisme en politique porte aussi le bonapartisme, au moins pire, et le totalitarisme, à ses extrêmes.
Je ne veux pas de ça. Je ne veux pas rejoindre un mouvement qui ne tient que sur l’incantation. Il n’y a rien de pire que l’alliance du molletisme, cette tradition de la gauche française qui consiste à produire un discours radical de changement tout en continuant à fonctionner selon des règles conservatrices, et du charisme politique. Surtout quand il s’appuie sur le registre si vite démagogique du « populaire ».
Il y a dans le verbe mélenchoniste trop de choses qui me dérangent. Les « sortons-les tous », et autres « coups de balai », purs moments populistes, assumés par Martine Billard, co-présidente du PG, comme les éléments d’une « course de vitesse avec le FN » : « on ne peut pas laisser le FN être le seul à parler fort ».
Mais ça veut dire quoi, parler fort, Martine ? À quel moment l’appel à l’insurrection populaire permet de se garder de la violence populiste ? Qu’est-ce qui peut garantir qu’un verbe populiste « de gauche » nous protège du bonapartisme, du populisme, de la démagogie ?
Les références à la mythologie de la révolution française ? Les incessants rappels à Robespierre ?
La VI° république que je veux n’est pas le retour à une mystique révolutionnaire. Elle n’est pas la reprise d’un chemin abandonné il y a deux cent vingt ans, peuplé de guillotines, de leaders paranoïaques et de culte de l’être suprême.
La 6° république de Jean-Luc Mélenchon est à la république ce que le 6ème sens est aux 5 sens : une mystique. Un machin peuplé d’irrationnel, sans autre garantie de succès que la confiance que l’on devrait accorder à un leader charismatique au registre démagogue. Non, décidément, ce sera sans moi.

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De l’écologie politique de masse

J’ai un problème. Je défends des idées qui ont du mal à passer dans la population. Je défends la mise en œuvre de politiques publiques qui soient radicalement différentes de celles qui sont mises en œuvres depuis les trente glorieuses.

J’ai conscience que l’humanité crame les ressources naturelles de la Terre dans une totale inconscience, en se foutant royalement de ce qui restera aux générations futures.

Je veux pouvoir vivre autrement, dans un monde apaisé, partagé.

Mais ça, ça demande énormément de choses.

Ça demande à ce que nous puissions collectivement imposer un autre partage des richesses, que l’écart entre les plus pauvres et les plus riches se réduisent drastiquement à l’échelle de la planète.

Ça demande à ce que nous arrivions à substituer à la production de biens inutiles pour la plupart, une production de biens utiles à tous, une production qui créée de la richesse sur des bases équitables.

Ça demande à ce que nous arrivions à substituer à la production d’énergie à partir de ressources usables, une production d’énergie à partir de ressources renouvelables. C’est d’ailleurs la clé du changement de production et de consommation.

Ça demande à ce que les politiques publiques, locales ou nationales ou européennes, soient pensées différemment, soient construites différemment, avec des systèmes de participation et de contrôle qui empêchent le détournement de l’intérêt général au profit d’intérêts privés. C’est d’ailleurs la pierre angulaire pour que l’impôt redevienne acceptable, et qu’une politique de redistribution des richesses puisse être acceptée.

Comme je crois en la faillite intrinsèque des processus révolutionnaires, qui ont tous été, sans exception, des processus de substitution d’une élite à une autre, j’ai opté depuis longtemps pour une autre méthode de transformation de la société : la diffusion de mes idées dans la société, l’élargissement de leur audience, l’idée forte que tu vas semer une autre façon de faire qui se développera sans toi, que tu vas fertiliser, polliniser, comme une abeille qui en récoltant le pollen permettra à la nature de se reproduire.
Et ce n’est pas facile.
Et c’est long et lent, alors que je vois des urgences.

Alors j’ai opté pour une démarche que j’appelle l’écologie de masse.

L’écologie de masse, ça commence d’abord par un “nous”. La création d’un collectif, dans lequel le pouvoir se partage autant que les idées et les compétences. Un “nous” le plus paritaire possible, parce que la parité est d’une redoutable efficacité.

Dans mon “nous”, on favorise une organisation en binôme paritaire. À deux, c’est mieux.

Une fois que les contours de ce “nous” sont posés, le collectif va te permettre d’agir.

Mais comment ?

Faire de l’écologie de masse, c’est prendre le pari que tu vas diffuser non pas une parole technicienne, experte, élitiste, ou une parole catastrophiste, cassandrienne, faussement radicale, mais une parole accessible à une majorité.

Faire de l’écologie de masse, c’est se donner les moyens de toucher le plus grand nombre possible de gens autour de toi. Les toucher dans leur quotidien, dans leur représentation du monde, des problèmes qu’ils rencontrent. C’est leur montrer des solutions auxquelles ils n’ont pas vraiment pensé.

Et c’est toucher le pus grand nombre possible en évitant au maximum les déformations de tes idées.

Faire de l’écologie de masse, c’est aussi intégrer que toi, militant politique, forcément généraliste, tu dois te mettre au service des engagements associatifs qui partagent tes idées.

Au contraire des partis révolutionnaires qui font du monde associatif une courroie de transmission, au contraire des partis socio-démocrates qui font du monde associatif un terrain de récupération ou de clientélisme, faire de l’écologie de masse, c’est accepter l’idée d’un partage des rôles et des savoir-faire.

Accepter d’utiliser les codes des médias, qui ont besoin de raconter des histoires plus que des idées, mais se servir de cette nécessaire personnalisation des enjeux comme d’un moyen, d’un levier pour faire avancer les causes collectives défendues notamment par les associations. La division du travail entre l’écologie politique et les mouvements associatifs doit être là : le militant politique n’est qu’un porte-voix, un accélérateur, celui qui permet de poser le problème dans la tête de celles et ceux qui sont en charge de la conception et de l’application des règles collectives.

Offrir un vélo au Préfet parce qu’il annonce une sévérité accrue auprès des cyclistes, c’est un résumé de cette méthode.

Face à une parole publique qui discrédite un engagement fondamental des écologistes, un “nous”, un collectif plutôt rodé à de “l’activisme”, décide de réagir, et de réagir vite. Il invente un processus médiatique, au sens où il espère que la forme de l’action permettra qu’elle soit relayée par les médias, et que cette forme médiatisable permettra non pas de masquer, comme trop souvent, mais au contraire de mettre en valeur le fond et les idées.

Le collectif enrôle des acteurs associatifs, qui ne travaillent pas forcément ensemble, et qui seraient réticents à se mettre sous une bannière partisane.

Il leur propose d’être une caisse de résonance, qui favorisera leur expression publique, et renforcera leur légitimité à être des interlocuteurs publics.

Il ne se substitue pas à eux, il ne leur fait pas écran. Il met à leur disposition sa rapidité d’action et sa capacité à communiquer.

L’action est construite ensemble, par un va-et-vient pour valider le message, les objectifs et les modalités concrètes, là encore dans une cohérence entre le fond et la forme.

L’action est réussie si le message est largement diffusé et relayé par les médias, si l’interlocuteur comprend la nécessité d’un dialogue avec les acteurs associatifs, et si ces derniers peuvent enclencher une dynamique de construction de politiques publiques plus efficace à la suite.
Et si la confiance est renforcée entre les partenaires de l’action.

Et si l’action des différents relais donne à d’autres l’envie de participer et de s’engager dans le même sens.

Ça, c’est de l’écologie politique de masse. Comme je l’aime.

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