Tag Archives: Moure

et aussi

Une économie de la culture, pas de la culture à l’économie

Capture d'écran 2014-03-21 17.59.22

Depuis plus de 10 ans, l’essentiel de mon activité professionnelle s’est résumé à une seule chose : construire les conditions du développement d’une économie de la culture. Faire en sorte que l’on reconnaisse les structures culturelles et artistiques comme des entreprises artistiques. Avec leur spécificité, mais également avec leur besoin d’entreprises. Il a fallu d’abord imposer cette idée au sein d’un secteur qui y était majoritairement rétif. Puis il s’est agi de convaincre les puissances publiques que la culture était une économie.

J’ai fait ça au détriment de toute rentabilité économique, sans concession, dans une utopie d’entreprise militante. J’y ai laissé énormément de plumes, mes associés se sont épuisés à me suivre, et ils avaient raison, tant nous avions l’impression de prêcher dans un désert.

Les choses ont changé, le rapport Filipetti a fait sauter des verrous, certes. Mais sur le terrain, les choses vont lentement.

Je me suis engagé dans cette campagne municipale avec le sentiment que cela devenait possible, que le moment était peut-être venu. Et que cette dimension des politiques culturelles est de toute façon devenue une urgence, parce que les fonds publics dédiés à la culture vont continuer à stagner, et qu’il faut trouver ailleurs les moyens d’une viabilité économique des entreprises artistiques et culturelles.

Dans le dialogue avec Jean-Pierre Moure et Nicole Bigas, j’ai trouvé, pour la première fois dans cette région, un responsable politique qui non seulement comprenait ce que je disais, mais qui était convaincu que la culture est une économie, et qu’il faut aussi l’aider comme telle. Qui comprenait que faire de la culture à l’économie était une impasse, et qu’au contraire, il fallait construire les outils pour développer l’économie de la culture, accompagner le développement des entreprises artistiques, inventer les outils pour le faire.

Le programme culturel de cette liste n’est pas parfait. Aucun programme n’est parfait. Mais les dimensions de l’emploi culturel et de l’économie de la culture ne sont pas traitées comme une priorité parmi d’autres. Elles sont au cœur du projet.

Elles sont au cœur de la réflexion sur le soutien aux entreprises artistiques, sur les outils d’accompagnement, « les incubateurs », qui, bien sûr, ne ressembleront pas aux incubateurs de start-up existants, mais s’appuieront sur un savoir-faire éprouvé. J’ai vu tant de projets artistiques de talents éclore dans cette région, et buter sur un plafond de verre, parce que les compétences en gestion, en communication, la connaissance de l’économie spécifique de telle ou telle discipline pêchaient. Les outils que nous voulons construire sont de cet ordre : permettre aux porteurs de projet artistiques d’être accompagnés sur les dimensions qui leur manquent pour percer. C’est ça le sens de l’incubateur. Et derrière ça, il y a l’idée forte que l’économie de l’art est une économie du risque et du prototype, et qu’on ne peut pas faire porter sur les seuls artistes l’intégralité du risque. C’est le rôle de la puissance publique, comme c’est son rôle dans les autres secteurs économiques. Aider les entreprises artistiques de talent, depuis le repérage des émergentes à l’accompagnement des confirmées sur les dimensions qui leur manque pour être viables.

Ces dimensions sont aussi au cœur de la partie du projet sur l’accès à la culture et la proximité. Bien sûr qu’il faut tenir un discours de la vérité, que les acteurs artistiques de ce territoire n’arriveront pas tous à vivre de leurs créations, que l’action culturelle, l’implication sur le territoire doivent aussi être valorisées, et que ceux qui font ça sérieusement doivent pouvoir en vivre même si la DRAC les ignore. C’est pour cela que l’on veut construire des conventions sur 3 ans, que l’on cherchera à consolider de l’emploi en réfléchissant aux complémentarités d’activité et de mission.

Et ces dimensions sont aussi au cœur de la réflexion patrimoniale. Avec un supplément d’âme. Que l’histoire de cette ville ne soit pas seulement une histoire pour touristes, mais que les Montpelliérains s’en emparent pour mieux être acteurs de leur ville.

Et pour tout ça, je peux considérer que le boulot a été fait dans la préparation de ce projet.

Ami-es artistes, cultureux de tous bords, soutiers de back-office, techniciens de spectacle ou cachetonneurs, je n’ai pas à vous dire ce que vous aurez à faire dimanche 23 mars.

Moi, j’irai voter pour la liste dans laquelle je suis engagé. La liste conduite par Jean-Pierre Moure. C’est la seule, à mes yeux, qui porte un projet et qui donne sens à nos futures politiques culturelles.


 

et aussi

C’est quoi, pour vous, être montpelliérain ?

FontaineChabaneau

«Il n’est pas Montpelliérain». «Le maire de Cournonsec», «Il faut un maire montpelliérain pour Montpellier», «Les maires de Montpellier sont des universitaires».

Ces phrases, prononcées par deux têtes de liste pour les municipales de Montpellier, elles ne vous ont pas fait bizarre ? Moi, elles m’ont interrogé.

Bien sûr, je pourrais me dire que c’est juste une attaque ad hominem envers Jean-Pierre Moure. Mais, à bien y réfléchir, je crois qu’elles traduisent quelque chose de beaucoup plus profond, et de beaucoup plus inquiétant.

Derrière ces attaques, il y a comme une vision dépassée de la ville, antinomique de tout discours sur l’avenir. Ces phrases interrogent une double identité, celle de la ville et celle des Montpelliérains.

C’est quoi, pour vous, être montpelliérain ?

On est pas Montpelliérain parce qu’on est né ici, qu’on y a grandi ou qu’on appartient à une dynastie de barons de Caravètes. Ça, c’est du folklore.

Dire ça, penser ça, c’est être aveugle à une réalité sociologique qui a submergé la ville : 75% des Montpelliérains adultes ne sont pas nés à Montpellier. Si l’on voulait, à partir de la liste électorale, dresser le portrait robot d’un Montpelliérain électeur, on tomberait sur un ou une Montpelliéraine de 48 ans, née en Ile de France, en Paca, en Rhône-Alpes ou en Pays de Loire, installée depuis 5, 10 ou 25 ans dans cette ville. Ce portrait-là, c’est plus d’un électeur sur deux. C’est ça le Montpelliérain contemporain. Moi qui suis né à Lyon, qui ai 47 ans et qui suis là depuis 20 ans, je suis un Montpelliérain type, quand Domergue et Saurel sont des espèces en voie de disparition.

Pourquoi est-ce que je suis devenu Montpelliérain ? Pourquoi est-ce que cette nouvelle génération est devenue montpelliéraine ? Comment l’est-elle devenue ?

Je suis montpelliérain parce que, comme les 3/4 des Montpelliérains, je suis né ailleurs, j’ai grandi ailleurs, et que je me suis installé ici parce que j’ai aimé cette ville.

C’est quoi pour vous être montpelliérain ? Moi je suis montpelliérain parce que j’aime cette ville. J’y suis venu un jour pour travailler, et j’ai voulu y rester. Pas pour le soleil. Au début, le soleil, c’était dur. Je suis arrivé en plein mois d’août, et moi, l’alpin, j’avais trop chaud. J’ai aimé cette ville pour ses places, pour ses maisons, pour l’arrière-pays, la mer et les étangs. J’ai aimé cette ville pour ces habitants.

Pour moi c’est juste ça. Je suis montpelliérain parce que j’ai aimé cette ville, et que la ville m’a accueilli.

Parce que c’est ça, Montpellier ! L’identité de Montpellier, c’est ça. Ça fait mille ans que cette ville existe, et ça fait mille ans qu’elle accueille ceux qui viennent du monde entier pour y étudier et y travailler.  Mille ans, ça forge le caractère !

On est montpelliérain parce que la ville nous aime, et parce qu’on l’aime. On est montpelliérain parce que la ville nous a accueillis. Qu’importe que ce soit à la naissance ou plus tard.

Le « miracle » démographique de Montpellier n’est pas commun. D’autres villes du sud auraient pu être l’aspirateur de l’héliotropisme que Montpellier est devenu. Nîmes, Aix-en-Provence, Avignon, ou même Perpignan et Narbonne. Plusieurs conditions se sont mises en œuvre. Le premier boom économique et démographique de l’arrivée des pieds-noirs, le marketing territorial réussi des premières années Frêche (la surdouée, l’entreprenante), tout ça, ce sont des éléments tangibles. Mais ça ne suffit pas. Il faut aussi compter sur l’absence de structures économiques rigides, qui a permis une porosité aux nouveaux secteurs économiques, et sur une société montpelliéraine qui a su accepter cette arrivée de « néo ». Et elle l’a accepté pour plusieurs raisons : parce qu’elle en avait besoin, parce qu’une partie pensait que les « néo » ne lui raviraient jamais le « vrai » pouvoir, et parce que Montpellier est, intrinsèquement, accueillante. Superficielle, mais permissive. La ville t’accueille dans ses espaces publics, pas facilement dans son intimité bourgeoise, d’accord. Mais elle te laisse mener tes aventures.

Tous ces néoMontpelliérains, qui ont connu d’autres villes, d’autres codes, croisé d’autres façons d’entreprendre ou d’être en société, sont devenus montpelliérains parce que, de tout temps, dans toute l’histoire de la ville, Montpellier s’est construite sur le brassage. Être montpelliérain est la plus facile des choses, il suffit de vouloir vivre la ville. Peu de villes peuvent être décrites comme ça. Pas Lyon, pas Marseille, Bordeaux ou Strasbourg.

Et pourtant, dans cette campagne municipale, il y a deux têtes de liste qui pensent et qui disent qu’être montpelliérain ce n’est pas ça. Deux têtes de liste qui pensent et qui disent que pour être maire de Montpellier, il faut être « un vrai Montpelliérain ». Être né et avoir grandi ici, comme eux.

Deux têtes de liste qui pensent qu’elles appartiennent à une caste, celle des grandes familles montpelliéraines, celles des universitaires, des médecins, des avocats. Qui ont de tout temps peuplé cette ville, c’est vrai. Qui l’ont dirigé, souvent. Certes. Mais ce ne sont pas les dynasties d’universitaires qui ont fait la ville. Bien sûr, la république a été proclamée sur le parvis de la faculté de Médecine. Mais ce n’est pas parce que les universitaires possédaient la ville. C’est parce qu’en ces temps troublés, l’Université était un refuge. C’est l’Université qui a fait la ville, pas les universitaires. L’université a façonné Montpellier, comme l’Université a façonné Oxford et Cambridge.

Sauf que Montpellier a grandi. Il y a aujourd’hui plus d’habitants à Montpellier qu’à Cambridge et Oxford réunis !

Le creuset identitaire montpelliérain ne plonge pas ses racines dans les longues dynasties de professeurs, de juristes et de médecins, mais dans l’Université elle-même. Si Montpellier est Montpellier aujourd’hui, c’est parce qu’elle continue d’accueillir des étudiants, des chercheurs du monde entier, et des hommes et des femmes qui brassent, croisent les cultures, les méthodes, les idées. Tout le contraire de l’identité repliée sur les barons de Caravètes.

Et le Montpellier d’aujourd’hui est fidèle au Montpellier de la révolution universitaire et culturelle du Moyen-Age.

L’identité montpelliéraine, c’est que chacun peut, ici, vivre en accord avec la ville et avec les autres, et inventer la ville, comme la ville s’est toujours inventée à partir des nouveaux Montpelliérains qui venaient ici pour étudier et travailler. C’est une ville ouverte, au contraire de Nîmes, d’Aix ou d’Avignon. C’est pour cela qu’elle a attiré, et qu’elle continue d’attirer de nouveaux Montpelliérains, c’est pour cela qu’elle les intègre avec tant de facilité. C’est une ville dont on tombe amoureux parce qu’elle se laisse aimer, au contraire de tant de villes qui se refusent à l’autre, à l’étranger.

Moi je suis un vrai montpelliérain, parce que je suis né ailleurs, que j’ai grandi à Lyon et dans les Alpes, que j’ai vécu à Paris, que j’ai vu d’autres choses, appris d’autres façons de vivre, et que je veux que Montpellier reste cette ville ouverte sur l’avenir et sur le monde. Je suis montpelliérain parce que j’aime cette ville, et je veux continuer à y vivre. Même si ce n’est pas toujours facile.

C’est pour ça que j’ai rejoint l’équipe de Jean-Pierre Moure, parce qu’elle accueille les Montpelliérains comme moi, qu’elle est ouverte aux expériences, à l’énergie d’une nouvelle génération, de nouveaux talents, parce qu’elle connaît la ville.

Philippe Saurel et Jacques Domergue ne veulent pas gouverner la ville, ils veulent juste en être maire, parce qu’ils pensent qu’ils font partie d’une caste qui aurait seule le droit de s’asseoir sur ce fauteuil. Ce sont des dinosaures. Ils ne comprennent pas la ville. Ils ne l’ont pas vu rajeunir et changer.

Nous voulons gouverner la ville pour qu’elle continue à être la ville ouverte, intelligente, et fertile qu’elle est depuis toujours. Pour que l’on continue de l’aimer, et qu’elle continue d’aimer ses habitants, et de se réinventer chaque fois qu’il le faut, pour mieux rester elle-même.

C’est ça, Montpellier !

Pourquoi la photo ? La fontaine du Chabaneau renaît toujours. C’est le premier lieu de la ville où je me suis senti montpelliérain.