Il est trop tard pour courir après le temps perdu
(ou pourquoi je pense qu’il faut refuser d’entrer dans la majorité municipale à Montpellier)
Rappel des faits : Depuis 2008, Montpellier est une des seules grandes villes de France dirigée par la gauche sans les écologistes.
Pourquoi ? Nulle raison n’a jamais vraiment été avancée, sauf que… l’ancien Maire ne voulait pas des Verts, que l’alliance avait été privilégiée avec le Modem, et que de nombreux points de désaccords existaient.
Depuis 2009, un serpent de mer s’est installé, celui d’une “normalisation” des relations entre le PS montpelliérain et EELV. Cela ne s’est jamais concrétisé.
Voilà que l’affaire est relancée en septembre 2012, à 16 mois des prochaines échéances municipales, à 3 mois d’entamer la dernière année d’exercice budgétaire pleine et entière, à quelques mois de vraisemblables discussion avec toute la gauche sur les projets et les envies pour 2014-2020.
Nous avons ce samedi 29 septembre une assemblée générale des adhérents d’Europe-Écologie Les Verts pour nous prononcer collectivement sur notre volonté d’accepter ou non une proposition d’entrée d’EELV dans la majorité municipale montpelliéraine.
Trois raisons principales auraient dû nous amener à opposer un refus de principe à cet ultime tour de discussions avec la majorité municipale :
1. Il est trop tard pour le faire
2. Il est trop tard pour bien faire,
3. Il est trop tard pour que cela se fasse.
1. Il est trop tard pour faire ce qui aurait pu être fait il y a plus de 4 ans. En mars 2008, les électeurs nous ont confié la responsabilité d’un programme, pas d’une alliance. Si ce rassemblement n’a pas eu lieu alors, c’est parce que la majorité municipale n’a pas souhaité le faire. Elle souhaitait mettre en évidence un autre programme que le nôtre. Les choses ont-elles changé ? La majorité municipale actuelle vient-elle nous chercher pour enfin sortir par le haut de l’infernal et ubuesque scénario de doublement de l’A9 ? Ou pour mettre en œuvre rapidement une conversion de la cuisine centrale au bio et aux circuits courts ? Pour renforcer sa volonté d’évaluer avec rigueur les délégations de services publics de l’eau et du stationnement ? Non. De ce point de vue, rien n’a changé.
Cet ultime appel au rassemblement n’est pas motivé par une nouvelle orientation politique, mais par la nécessité exogène d’organiser une énième partie de chaises musicales du fait du respect, par deux adjoints socialistes, de leur engagement de ne pas cumuler ce mandat avec leur nouveau mandat de député. Ce n’est pas notre histoire.
2. Il est trop tard pour bien faire ce que nous pourrions espérer faire. Et personne dans ce jeu de négociation n’en est dupe. À 16 mois du renouvellement de la municipalité, alors que la bataille pour la succession du maire est déjà publiquement lancée, et que les budgets de la dernière année pleine d’exercice sont en ultime écriture, la capacité opérationnelle d’élus écologistes nouvellement investis de délégations exécutives serait très faible. En terme d’action publique, le bilan que nous pourrions collectivement tirer de ce rassemblement dans la dernière ligne droite du mandat serait très hypothétique, et au final très mince.
En revanche, et la presse l’a déjà analysé en ce sens, nous donnerions des gages à l’un ou l’autre des protagonistes d’une lutte interne à l’actuelle majorité municipale, lutte qui nous est étrangère. Et nous prenons un double risque :
– celui d’être associés à un bilan municipal qui n’est pas le nôtre, dont nous contestons largement l’efficacité et la pertinence ;
– celui de nous affaiblir dans les discussions que nous aurons très vite à mener avec les autres composantes de la gauche en vue des prochaines élections municipales.
3. Il est trop tard pour que cela se fasse sans que nos valeurs en soient écornées. Le groupe des élus écologistes a malheureusement subi de profondes transformations depuis 2008. L’entrée dans la sphère exécutive municipale de 3 hommes, dont deux dépositaires de mandats importants, un conseiller général et un parlementaire, entrée rendue possible par la démission de deux adjoints socialistes qui respecteraient ainsi un engagement anticumul, quelle image donnerait donc cette tournure malheureuse ?
Celle d’un parti qui clame haut et fort son respect de la parité et son engagement contre le cumul des mandats ?
Prendrions-nous le risque de ternir notre image pour de très hypothétiques gains sur quelques réalisations municipales de dernière ligne droite, et un silence poli sur l’absence d’accord de fond sur les sujets qui nous fâchent avec le productivisme ?
Il est trois fois trop tard pour accepter d’entrer dans la majorité municipale.
Trop tard pour effacer quatre ans perdus à ne pas faire avancer des dossiers importants pour les Montpelliérains. Trop tard pour espérer en tirer de substantiels gains en termes de réalisations d’intérêt général. Trop tard pour le faire en respectant nos valeurs.
Il n’est en revanche pas trop tard pour refuser de le faire. Refusons le miroir aux alouettes d’une union de dernière minute qui nous est présentée avec la plus grande maladresse, et gardons à tout coup intactes nos possibilités d’entraîner avec nous le plus grand nombre de Montpelliérains lors du désormais si proche renouvellement de la municipalité.
François