C’est une histoire d’une banalité crasse. L’État a besoin d’argent. L’État vend. Et surtout en région. Vous vous en souvenez ? Le slogan des années 2000, c’était : « l’État en région, une autre dimension ». Aujourd’hui, après les rounds de décentralisation et la RGPP, c’est plutôt « L’État en région, cinq directions croupions ». Alors l’Etat vend. Beaucoup. Il suffit d’aller sur le site de la « politique immobilière » de l’État pour le comprendre. (ici les ventes dans l’Hérault). Des bureaux, des propriétés, des terrains.
Parmi tous ces biens, l’État vend quelques bijoux. De famille.
Ou en tout cas, l’État essaye.
Il en est un qu’il va avoir du mal à vendre. C’est le Jardin de la Reine, et l’Intendance du Jardin des Plantes, à Montpellier. Il y a deux siècles, le Rectorat de Montpellier, profitant du chaos des 100 jours napoléoniens, s’est abusivement approprié ces parties historiques du Jardin des Plantes, pour y loger ses services, puis y loger le Recteur, et les cadres du Rectorat. Et le Jardin de la Reine ? C’était, dans l’idée de départ du concepteur du Jardin botanique, une extension, dont il ferait un potager, mais aussi un jardin de découverte pour le public. Las, l’accès en a été fermé aux scientifiques du Jardin des Plantes. Et le rectorat s’en est fait un Jardin d’agrément au seul bénéfice du recteur. L’affaire court depuis deux siècles.
Il y a quelques années, le rectorat avait envisagé de transformer une partie du Jardin en parking. Alertés par le bruit de la tronçonneuse, des riverains s’étaient mobilisés, et avaient averti commune et Drac. Deux protections s’étaient alors mises en œuvre. Un classement du Jardin en Espace Boisé Classé, ce qui empêche la construction sur la parcelle, et impose une autorisation communale pour tout abattage. Et ensuite, l’inscription du Jardin et Bâtiment de l’Intendance au titre des monuments historiques. Premier degré d’une conservation patrimoniale. Suffisante pour dire l’intérêt patrimonial, insuffisante pour empêcher la vente, et s’opposer à la transformation des biens.
Donc l’État vend. On aurait pu imaginer que, n’ayant plus l’utilité des lieux, le ministère de l’Éducation aurait rendu à l’Université le bien qu’elle avait usurpé deux siècles avant. Mais non. On vend. Mise à prix estimative, 2 Millions d’euros. Et ça intéresse des acheteurs, bien entendu. Un joli truc comme ça. Y’a du boulot pour le remettre en état, c’est sûr. Mais 1 200 m2 habitables, donnant sur le Jardin des Plantes, avec une passerelle de l’autre côté pour accéder à 4 500 m2 de jardin historique, ça peut faire un joli hôtel de charme en plein cœur de ville. Ou autre chose.
Monsieur le Recteur, Monsieur le Ministre de l’Education, Monsieur le Ministre des Finances, je préfère vous le dire tout de suite : cette vente ne se fera pas. Ne perdez pas votre temps. Une bande d’irréductibles, comme dit la presse, a décidé que ce jardin ne sortirait pas du domaine public, qu’au contraire, il redeviendrait un véritable bien public, ouvert, partagé, accueillant. Et la bande d’irréductibles grossit chaque jour. Non seulement nous nous battrons pour que le Jardin de la Reine soit un jardin des montpelliérains, mais nous nous battrons aussi pour que le bâtiment de l’Intendance, bâtiment historique du Jardin des Plantes, le plus ancien jardin botanique de France, reste dans le giron public, et que le périmètre historique du Jardin des Plantes soit conservé.
Une association s’est créée pour lutter contre cette dilapidation des richesses historiques et écologiques. La presse s’en fait largement l’écho. Un blog raconte l’histoire et racontera la mobilisation au fur et à mesure. Une pétition rassemble déjà des centaines de signatures en quelques jours. Signez-la ! Ce n’est pas seulement une question de principe, c’est une question de vivre ensemble.
Mise à Jour Janvier 2014 : Sous la pression de l’association et de l’opinion, la ville de Montpelier a racheté au Rectorat le jardin de la Reine. Et confiée la gestion dudit jardin à l’association créée pour sa sauvegarde.