Je viens de lire un papier d’Hervé Kempf dans le Monde du 8 mars dernier, et la réaction à ce papier d’un collectif anti-éolien de Lozère.
Hervé Kempf écrit : “En Languedoc-Roussillon, le développement de l’éolien est entravé par l’hostilité des collectivités locales. L’Aude et la Lozère s’opposent au schéma régional au nom de la protection de leurs paysages” (pour lire les commentaires du collectif, et la publication – reproduite illégalement – du papier d’Hervé Kempf, c’est ici).
Ils ont raison, ces défenseurs du paysage. Quand on voit toutes ces éoliennes qui défigurent les paysages de l’Ardèche et de la Drôme, on les comprend. Tiens, à Tricastin, par exemple, ces éoliennes affreuses :
J’ai grandi en partie à Lyon, dans une région industrielle, à laquelle on accède, en venant du Sud, en traversant “le couloir de la chimie”, qui serpente le long du Rhône. Ici voisinent une vingtaine d’installations industrielles classées “seuil haut”, et une dizaine de “seuil bas”. Installations populairement dénommées “usines Seveso”.
Mais là n’est qu’une périphérie du propos. Le couloir du Rhône, de l’amont de Lyon aux Côtes-du-Rhône, c’est aussi une concentration, sur 200 kilomètres, d’usines nucléaires qui ont toutes plus de 25 ans.
Bugey, 4 réacteurs mis en service en 1979-80, à 40 km au Nord-Est de Lyon ; Saint-Alban, 2 réacteurs mis en service en 1985-86, à 40 km au Sud de Lyon ; Cruas, 4 réacteurs mis en service en 1983-84, à 30 km de Valence et 15 de Montélimar ; Tricastin, 4 réacteurs mis en service en 1980-81, à 20 km au sud de Montélimar, 100 km de Montpellier.
En tout, 12 des 58 réacteurs à eau pressurisée français, qui produisent 21,5% de l’électricité nucléaire française, pour tout le grand quart sud-est.
En d’autres termes, un lozérien ou un audois utilise 75% du temps de l’électricité produite par un de ces 12 réacteurs. Qu’il voit loin de lui. Qu’il ne voit pas.
Et je n’oublie pas que ce couloir du Rhône est également le site de nos expérimentations nucléaires : le défunt Phœnix à Creys-Malville, Marcoule, ses trois réacteurs graphite-gaz arrêtés en attente de démantèlement, ses centres de recherches désuets et son projet Astrid, et Cadarache, centre d’expérimentation civil et militaire, et ses 20 installations.
Toutes ces installations nucléaires sont situées sur une zone de danger sismique, officiellement évaluée par le BRGM depuis 2010.
Alors je te le dis à toi, lozérien, audois, ou d’ailleurs, qui refuse le développement de l’éolien près de chez toi : tu as le droit de te battre pour que les normes de l’éolien soient plus respectueuses du paysage, pour que l’énergie produite par les champs éoliens prêts de chez toi soit d’abord au service de ton territoire.
Mais avant de t’engager dans des combats d’un égoïsme assourdissant, tu devrais avoir une pensée pour le million de personnes qui vivent le long du Rhône, exposées au risque nucléaire le plus fort, et qui échangeraient bien l’éolien contre leurs réacteurs en fin de vie, mais toujours prolongés, et qui produisent l’électricité de ton confort quotidien.
Photo de couverture : Les couleurs de demain. Centrale fonctionnant au géranium enrichi. ©Musée du vivant-AgroParisTech