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De quoi ?, Recyclage

Cuisine-fusion dans les régions

À quelle sauce seront mangées les politiques culturelles ?

Tout le monde en parle. De quoi ? De la fusion des régions. 
Ce fut le jeu du printemps dans les gazettes : « Dessine toi-même la nouvelle carte des régions ». Combien ? 15 ? 10? 12 grandes régions ?
Puis vint la proposition du gouvernement : Languedoc-Roussillon fusionnerait avec Midi-Pyrénées. Émoi, effroi, joie, toute la palette des émotions fut mobilisée par les ténors politiques. Pour le grand public, une seule question vaut qu’on s’y intéresse : qu’est-ce que ça va changer ? Et pour ce qui me concerne, qu’est-ce que ça va changer pour la culture ? 
Alors partons à la recherche de la fusion, de ses conséquences possibles, et de ce que fusion veut dire.

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Le calamar au lard de Fabrice Biasolo à Astaffort, le pigeon rôti sauce tamarin d’Heimana-Yi à Montpellier : la cuisine-fusion régionale comme on l’aime.

« Les régions pourront proposer de fusionner par délibérations concordantes. En l’absence de propositions, le gouvernement proposera par la loi une nouvelle carte des régions ».
Voilà ce que déclarait le 1er ministre Manuel Valls en avril dernier. Immédiatement, on a parlé de « big bang territorial ». C’est que la fusion des régions est la pointe émergée de l’iceberg. Derrière se profile la fin des départements, et la « fusion » de leurs compétences actuelles dans celles des régions ou des intercommunalités. Et pour ces dernières, le regroupement ou le renforcement dans des « métropoles », pour ce qui est des espaces urbains, et dans des communautés de communes renforcées pour ce qui est… du reste du territoire. Bref, de la fusion à plusieurs étages.
En amoureux des belles lettres, on est donc allé chercher ce que le trésor de la langue française cachait derrière le mot fusion.

La fusion, ou comment rendre tout plus fluide

Fusion. Substantif féminin. Au sens actif. Opération qui consiste à liquéfier un corps solide sous l’effet de la chaleur.

Société bloquée, millefeuille administratif, simplification, autant de mots forts qui jalonnent la pensée réformatrice depuis plusieurs décennies. « On » n’y comprendrait rien, nous, les citoyens lambda. Et les politiques, à peine plus. Il faut donc simplifier, rendre plus fluide. Fusionner.
Pour fusionner, il faut donc d’abord chauffer, liquéfier, pour que ça se mélange bien et que ça ne fasse plus qu’un une fois refroidit.
Pour ce qui est de l’échauffement, le gouvernement a gagné son premier pari. Ça s’échauffe fort. Entre les régions qui veulent, et celles qui ne veulent pas, les départements qui hurlent, les communes qui craignent l’absorption par les métropoles, le rural qui craint de disparaître derrière la ville, le paysage régional est chaud. Chaud bouillant. On le sait, le défunt président de la région Languedoc-Roussillon s’est dressé vent debout contre l’idée d’une fusion de la région avec Midi-Pyrénées (et avec n’importe quelle autre). Du côté du Capitole, le président de la région Midi-Pyrénées s’est déclaré ouvert à toutes les discussions. Cela a suffi à faire craindre que le « riche » midi-pyrénéen veuille avaler avec gourmandise le « pauvre » languedocien. Résultat : tout le monde en parle, mais personne ne veut en parler. D’un côté comme de l’autre, très peu d’acteurs institutionnels ont accepté de répondre à nos questions sur le devenir de prochaines politiques culturelles régionales. Et ceux qui ont accepté ne l’ont fait que sous la garantie du sacro-saint « off ». Tout est bouillant, mais pour le moment, rien ne coule facilement, surtout pas la parole. Liquéfaction et fluidité ne sont pas à l’ordre du jour.
L’enjeu est pourtant de taille pour les politiques culturelles régionales. Les collectivités locales apportent plus de 80% des financements publics de la culture, lesquels financements publics représentent au bas mot 60% de l’ensemble des budgets artistiques et culturels en région.

Dans cet apport public, les conseils régionaux apportent un quart des fonds territoriaux, les départements un autre quart, et les communes et leurs regroupements (notamment les communautés d’agglomération), la moitié restante. Fusionner les régions, faire disparaître les départements, renforcer les métropoles, tout ça ne sera donc pas sans incidence sur le tissu culturel des territoires.

La fusion, ou concentrer pour être plus fort

Fusion. Économie : Opération juridique consistant à regrouper plusieurs sociétés en une seule. Synon. concentration.

Au chapitre des arguments qui se veulent rassurants, la fusion devra permettre d’avoir des régions plus fortes. À l’instar des länders allemands ou des communautés autonomes espagnoles, nos futures régions atteindront donc cette taille critique qui ferait d’elles les moteurs du pays. Mais de quoi parle-t-on ici ? De surface ? Du côté de Midi-Pyrénées, on a déjà coutume de dire que la région est la plus étendue de France. Avec ses 45 348 km2, Midi-Py est plus vaste que le Danemark (43 000 km2). Fusionnées, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon représenteraient un territoire de 72 724 km2, pour une population de 5,6 millions d’habitants. Plus vaste et plus peuplé que l’Irlande (70 273 km2 pour 4,7 millions d’irlandais). On s’étonne que les élites sudistes du ballon ovale n’aient pas déjà réclamé leur place à part dans un futur tournoi des 7 nations !
 Ou que l’Occitanie du Grand Sud, finalement (et sans que l’on ait apparemment rien demandé à ses ardents défenseurs) se retrouve au centre des débats, et en quelque sorte régénérée après des siècles d’Histoire commune.

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La nouvelle région sera plus grande que l’Irlande. Ses principales villes seront sur le littoral.

Ainsi retaillée, la nouvelle région se positionnerait dans le haut du tableau européen pour la superficie et la population. L’équivalent des communautés autonomes de Madrid ou de Castilla-la-Mancha, des länders de la Hesse ou de la Bavière, plus grande que le Piémont et la Lombardie réunies !
 Mais la comparaison s’arrête là. Fusionnés, les deux budgets des conseils régionaux monteraient péniblement à 3 milliards d’euros annuels, quand la Hesse ou Madrid disposent de plus de 20 milliards par an. Même en intégrant à la future région l’intégralité des budgets des 13 départements appelés à disparaître, « Languedoc-Pyrénées » atteindrait 12 milliards d’euros de budget annuel. La moitié seulement du budget des consœurs européennes citées en exemple et en comparaison. La moitié de leur PIB régional, aussi. 140 milliards de richesses créées contre 210 à 240 dans les régions européennes similaires.
Et un ensemble vaste. 550 km du point le plus au sud-ouest (Cauterêts) au point le plus au nord-est (Pont-Saint Esprit). 5 heures de route pour le traverser de part en part. Trop vaste pour beaucoup d’acteurs de la culture.
« J’ai déjà du mal avec mes missions régionales actuelles », déclare Phillipe Saunier-Borel, codirecteur du Centre National des Arts de la Rue d’Encausse-les-Thermes, en Haute-Garonne. « Ça marche bien avec le réseau Sud. Mais irriguer le nord de la région depuis ma position est déjà plus compliqué. Alors imaginer aller à Perpignan, en Lozère, ou en Camargue, c’est inenvisageable ». Pour le patron de ce lieu labellisé par l’État, hors de question d’agrandir son territoire déjà trop vaste. « Il faudrait de toute façon deux CNAR sur ce territoire ».
On est loin du discours sur les économies qu’une telle fusion générerait. D’ailleurs, aucun expert ne s’accorde sur ces économies possibles. Le seul point dans lequel tout le monde voit bien où l’État gagnerait à une réorganisation, ce sont ses propres services.
Ainsi apprenait-on début juillet que le chantier de la réforme territoriale de l’État était relancé, sous la triple autorité des ministères de l’Intérieur, de la Décentralisation, et du secrétariat à la réforme de l’État. « À l’échelon régional, l’État se concentrera sur son positionnement stratégique. Son organisation coïncidera avec les 14 futures grandes régions », indique le communiqué diffusé à l’issue du conseil des ministres du 2 juillet dernier. 
Pour parler clairement, il n’y aura plus qu’une seule DRAC pour la future grande région. Personne ne sait encore si cela signifie un seul conseiller théâtre au lieu de deux, un seul conseiller cinéma au lieu de deux, etc. Mais chacun suppute que là est le principal champ d’économie d’un État culturel déjà décrit comme fortement malmené.

La fusion, ou le mélange des intimités

Au figuré. Combinaison, mélange intime de plusieurs éléments.

Fusionner implique « un mélange intime de plusieurs éléments ». Rien ne sert de chauffer les corps, de liquéfier les états, de concentrer les essences, si c’est pour se retrouver avec le même point de départ. « La totalité est plus que la somme des parties », nous disait Aristote.
Pour fusionner, il faut donc se connaître l’un l’autre. On n’écartera donc pas complètement l’idée d’une fusion amoureuse, pour s’attarder d’abord sur le fantasme. « Le vrai risque, c’est de se faire avaler par une région plus riche », nous dit Frédéric Michelet, de la fédération LR des arts de la rue. Pourtant, la supposée richesse du géant midi-pyrénéen reste du domaine du fantasme, en tout cas pour l’échelon régional. Les budgets des deux conseils régionaux sont similaires : 1,5 milliard d’euros. Et côté politiques culturelles, on affiche un budget régional de 30 M€ du côté Midi-Pyrénées, contre 40 M€ côté Languedoc-Roussillon. Le plus gros n’est pas celui qu’on croit.
 Le secteur des arts de la rue, depuis longtemps organisé en fédérations régionales pour défendre ses intérêts, veut entamer rapidement sa propre fusion, en construisant une nouvelle fédération. « Être les premiers interlocuteurs pertinents à l’échelle des nouveaux pouvoirs est un enjeu important pour nous » poursuit Frédéric Michelet.

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Pour ce qui est de la fusion des logos, ça ne devrait pas être trop difficile.
Pour les autres secteurs, le chemin sera plus long. Peu sont déjà organisés à l’échelle de leur propre région. Quant aux agences régionales auxquelles État et régions confèrent généralement des délégations, leur paysage est loin d’être unifié. Le secteur littéraire, seul à disposer de structures similaires de part et d’autre des frontières actuelles, commence à discuter à l’échelle des techniciens. Mais le calendrier est encore très flou. Les discussions vont bon train dans la navette entre le Sénat et l’Assemblée Nationale. La date du prochain scrutin régional n’est toujours pas connue avec certitude. Mars 2015 ? Novembre 2015 ? Enfin, la suppression des conseils généraux pourrait obliger à une périlleuse révision constitutionnelle, que l’exécutif redoute.
En région Languedoc-Roussillon, le décès de Christian Bourquin, farouche opposant à la fusion, pourrait changer la donne. Mais il est trop tôt pour le dire. On comprend dès lors que les discussions entre techniciens de la culture ne soient pas toutes urgentes.

D’autant que dans la plupart des secteurs culturels, les structures sont construites sur des bases différentes, et certains domaines culturels n’ont pas d’outils équivalents dans l’une ou l’autre des deux régions. Chacun entend par conséquent pousser son avantage pour s’imposer comme le chef de file du futur territoire. Au risque de la fusion nucléaire. Einstein ne contredisait-il pas Aristote en déclarant que « la masse d’un atome est toujours inférieure à la masse de ses constituants » ?

(Cet article est paru sous une forme équivalente dans le numéro 55 du magazine Let’s Motiv)

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De quoi ?

Reconstruire une passerelle entre l’histoire et le présent

Un lien historique s’est rompu, la passerelle du Jardin de la Reine n’est plus.

Dans la nuit du 15 au 16 juillet, les services de la ville ont fait procéder à l’enlèvement de la passerelle du Faubourg Saint Jaumes, qui reliait historiquement le Jardin des Plantes et le Jardin de la Reine, par le bâtiment de la « Vieille Intendance ».

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Outre l’état délabré et dangereux de la passerelle, cette décision est, paradoxalement, la conséquence de la première victoire de l’association de sauvegarde du Jardin de la Reine et de la vieille Intendance. En faisant racheter le Jardin de la Reine par la ville de Montpellier, la mobilisation citoyenne a conduit l’administration des domaines, en charge de vendre les deux biens de l’État, à scinder ce qui n’était qu’un seul lot, et à imposer à l’acheteur du Jardin l’enlèvement de la passerelle qui les reliait.

Parce que le bâtiment de la vieille Intendance est toujours en vente. L’État n’a pas abandonné l’idée de brader ce patrimoine historique.

Pourtant, ce bâtiment est d’une importance patrimoniale claire pour la ville et l’université. Il est, historiquement, le bâtiment de direction du Jardin des Plantes, le plus ancien jardin botanique de France, le lieu où tant d’innovations médicales et botaniques ont pu voir le jour, et faire de Montpellier une grande ville universitaire, et une grande place de l’histoire de la médecine.

La passerelle symbolisait le lien entre les deux parties de ce qui n’était qu’un même ensemble durant des siècles, en même temps qu’elle reliait deux jardins aux ambitions différentes, le Jardin des Plantes, lieu de recherche médicale et botanique, et le Jardin de la Reine, lieu d’expérimentation pour les fondateurs du Jardin des Plantes. C’est là que Richer de Belleval a conçu sa première « montagne » artificielle, testant la possibilité d’un écosystème équilibré et productif, fondant les principes de ce que l’on appellera des siècles plus tard l’agroécologie, l’agroforesterie, la permaculture, disciplines redécouvertes notamment dans le pôle agronomique montpelliérain, l’un des plus importants pôles de recherche mondiaux en agronomie, l’un des fers de lance de l’économie montpelliéraine actuelle.

La passerelle, lien symbolique, était aussi un pont entre l’histoire de la recherche montpelliéraine, son présent, et son avenir.

L’association de sauvegarde du Jardin de la Reine mettra tout en œuvre pour que le bâtiment de la Vieille Intendance ne soit pas vendu à des investisseurs privés, mais reste dans le giron public. Elle travaille à convaincre les collectivités et les universités de la pertinence d’un projet de réhabilitation qui conserve le périmètre historique du Jardin des Plantes, et qui soit le lieu où s’articule la recherche, la pédagogie, et la sensibilisation du public le plus large sur le colossal patrimoine montpelliérain en matière de recherche botanique et médicale, et son importance capitale pour l’avenir de la ville comme de la science. Ce bâtiment est au cœur de l’histoire de la Ville et de son identité.

L’association lancera en septembre une initiative citoyenne pour sauver la « Vieille Intendance ». Et lorsque nous aurons gagné ce combat, nous ferons reconstruire la passerelle. Promis.

La passerelle avant et après

 Rue du Faubourg Saint Jaumes, avant et après l’enlèvement de la passerelle.

Ça s'écoute, De quoi ?

On peut vous faire de la place si vous voulez nous rejoindre

Quatrième volet de ces petites mémoires sonores consacrées au mouvement des intermittents. Et dernier concernant Montpellier Danse. Je verrais ce que je fais avec Radio France…
Un machin sonore, ça s’écoute. Donc, clique :

Dimanche, 6 juillet. Encore une fois, les intermittents en lutte se retrouvent devant Montpellier Danse. Une semaine vient de s’écouler, chargée de grève, et de déplacements en Avignon. L’œil des médias s’est tourné vers la cité des papes. Le cœur de la lutte s’est déplacé, et ici, à Montpellier, le mouvement se cherche un nouveau souffle. Et de nouvelles formes d’intervention.

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Extraits sonores : The Revolution will not be televised. Cover de l’intemporel Gil Scott-Heron par Dana Bryant, Giant Steps Volume One, 1993.

Retrouver les autres volets :

La violence du silence par intermittence

L’Agora hors les murs

Salle pleine, rien ne se vide

Ça s'écoute, De quoi ?

Salle pleine, rien ne se vide

Mercredi 25 juin. Ce soir, Montpellier danse. Les personnels hier en grève ont décidé de laisser jouer Empty Moves, la pièce d’Anjelin Prejlocaj, tout comme le mouvement unitaire des intermittents. Ils sont là, pour autant, les artistes et techniciens en lutte. Sur le parvis du Couvent des Ursulines, ils discutent, distribuent des tracts, proposent au public présent de s’afficher comme spectateurs solidaires.

Pause avant la tempête. La salle se remplit, le mouvement se ressource. Après La violence du silence par intermittence, et l’agora hors les murs, troisième volet de cette restitution sonore du conflit des intermittents. Ça s’écoute, donc.

Clique :

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Extraits sonores : Empty Page, Sonic Youth, Murray Street. Empty Words Part 3, John Cage.

Ça s'écoute, De quoi ?

L’Agora hors les murs

Après deux jours d’actions dures, parfois confuses, de blocage partiel des spectacles, les grilles du festival sont closes. Ce soir, Montpellier Danse ne joue pas. Une partie du personnel est en grève, le spectacle ne peut avoir lieu. Chez les intermittents en lutte, l’heure est au soulagement. Les soirées de blocage ont été éprouvantes, et menaçaient de s’envenimer. Le mouvement se radicalise, et nombreux sont ceux qui redoutent désormais les débordements. Tandis que quelques autres les espèrent. Ce soir, l’heure n’est donc plus au silence, mais au dialogue avec le public.

Colères, doutes, radicalisation, dialogue. Après La violence du Silence par intermittence, deuxième volet de cette restitution sonore du conflit des intermittents. Ça s’écoute, donc.
Clique : 

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Crédits photo : CIP-LR.

Extraits sonores : Talk To Me, Tricky, Angels with Dirty Faces, 1988.

Ça s'écoute, De quoi ?

La violence du silence par intermittence

Le conflit des intermittents est un conflit très fort. Et très illustratif de la profonde crise dans laquelle nous avons plongé.
C’est un conflit difficile, car il met en jeu du sens, au delà d’une lutte que peu de gens comprennent, finalement. Et qui pose de constantes questions sur les modalités de la lutte, pour celles et ceux-mêmes qui y sont engagées. Retour sonore sur une action silencieuse. (Ça s’écoute, donc).

Alors clique :

 La suite de cette chronique sonore : L’Agora hors les murs

Montpellier, dimanche 22 juin. Depuis plusieurs semaines, la ville est l’un des principaux foyers du conflit entre les intermittents et le gouvernement. C’est que Montpellier compte de nombreux festivals, dont certains démarrent la saison nationale ou européenne. C’est le cas du Printemps des comédiens, en grève depuis début juin. Mais ce dimanche 22 juin démarre Montpellier Danse, l’un des plus importants festivals de danse européens. Et depuis les déclarations du premier ministre de jeudi dernier, annonçant l’agrément de l’accord et la mise en différé de son application pour ce qui est des articles organisant l’intermittence, le mouvement glisse vers une radicalisation. Et la plupart des intermittents mobilisés considèrent Montpellier Danse comme une très importante caisse de résonance…

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(photo ciplr)

Après l’action silencieuse, la parole se libère dans l’AG improvisée, place Candolle.

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Extraits sonores : Enjoy the silence, Tori Amos, Strange Little Girls, 2001, Silence, Portishead, Third, 2008.

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À Montpellier, EELV est en état de mort clinique

À Montpellier, EELV est en situation de mort clinique. C’est l’aboutissement d’une lente dérive clientéliste.

Voilà le texte que j’ai co-signé avec Nicolas Dubourg, Christian Dupraz, Nadja Flank, Jacqueline Markovic, Marie Massart, et Manu Reynaud.

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Les résultats des élections municipales du 30 mars 2014 ont placé EELV à Montpellier dans une situation de mort clinique.

Un projet politique indigent, une stratégie inepte, des leaders disqualifiés, une poignée d’affidés en guise de militants, plus de local, plus de permanent : le cadavre doit être regardé avec lucidité.

Notre mouvement, qui était présenté il y a encore un an comme la deuxième force politique de la ville, n’aura plus de groupe, fut-il d’opposition, au conseil municipal, puisque sur les 12 personnes investies par le groupe local, seule une siégera, dans l’opposition.

Nous sommes donc passés de 9 élu-es écologistes dans la majorité en 2001, à 4 conseillers d’opposition en 2008, pour finir à un seul en 2014, quand dans le même temps deux de nos anciens adhérents siégeront dans la majorité.

Ce résultat est la conséquence d’une stratégie désastreuse, d’une combinaison politicienne à courte vue mise en œuvre par Mustapha Majdoul, fort d’une écrasante majorité basée sur des adhésions de complaisance et des pratiques frauduleuses.

Cette situation de main mise de type clanique a empêché tout débat réel et toute analyse approfondie des enjeux et des contextes au sein du groupe local d’Europe Écologie Les Verts.

Cette stratégie a été sévèrement sanctionnée dans les urnes dimanche dernier. C’est la démonstration que l’on n’achète pas l’électorat écologiste avec un logo et des arrangements d’appareils, mais qu’on le convainc sur la base d’un projet cohérent et solide. Le succès d’Eric Piolle et des écologistes à Grenoble en fournit un éclatant symbole.

C’est aussi la démonstration que les pratiques clientélistes, à l’œuvre au sein de notre parti comme au sein de l’électorat, peuvent contrôler la désignation des têtes de liste et l’imposition d’une stratégie, mais sont rejetées massivement par les électeurs.

Trois d’entre nous, candidat-es sur cette liste d’union opportuniste entre PS et EELV, peuvent témoigner de ce rejet massif dans la population, et de l’absence voulue et affirmée de toute réflexion collective des représentants d’EELV durant cette séquence.

Pour toutes ces raisons, il nous apparaît désormais impossible de continuer ainsi.

Ces dysfonctionnements ne sont pas nouveaux. Ils gangrènent le fonctionnement démocratique de nos instances locales, et rendent impossible l’expression d’un discours écologiste sincère et crédible. Un point de non retour a été atteint aujourd’hui.

C’est pourquoi nous demandons aux instances nationales la dissolution du groupe local EELV et sa re-création sur des bases saines, sans cartes de complaisance, dans le respect des règles démocratiques que nous défendons dans notre mouvement comme dans la société tout entière.

Le clientélisme politique a profondément sali l’espace politique, économique et social montpelliérain. Nous, écologistes, refusons de l’accepter comme une fatalité proliférant sur la précarité et la pauvreté de nos concitoyens. C’est donc d’abord en notre sein que nous devons radicalement trancher.

François Baraize, Nicolas Dubourg, Christian Dupraz, Nadja Flank, Jacqueline Markovic, Marie Massart, Manu Reynaud.
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Au printemps, le ginkgo renaît toujours

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Je voudrais remercier toutes celles et ceux qui nous ont soutenus, aidé, encouragé pendant cette campagne municipale. Pour moi et pour mes camarades écologistes Jacqueline et Marie, c’était une dure campagne. Nous n’étions pas à l’endroit où nous aurions voulu être. Cette stratégie n’était pas la nôtre. Nous l’avons subie et assumée par loyauté. Mais ce n’était pas la stratégie qui nous semblait la plus efficace pour transformer cette ville et son territoire par un projet écologiste, durable, solide. Comme elles, j’ai mis toute l’énergie que je pouvais mettre, loyalement, pour tenter des choses de l’intérieur, contrer l’apathie, les verrouillages et les blocages d’une société montpelliéraine qui a du mal à croire en son avenir, et poser les fondations d’un autre débat politique. Je l’ai fait en croyant que c’est possible, comme ça je peux me regarder dans la glace.

Je prendrais le temps de faire un bilan plus détaillé dans quelques jours, et de raconter un peu comment j’ai vécu les choses de l’intérieur, parce que je crois qu’il est essentiel de dire comment les choses se passent.

Philippe Saurel a gagné, au terme d’une campagne dans laquelle il a su indéniablement trouver l’angle du moment, et la stratégie la plus efficace pour l’imposer.

Je le félicite : il a su se mettre à l’écoute de la ville, et entendre le ras de bol des Montpelliérains face aux pratiques clientélistes qui touchent tous les appareils politiques montpelliérains, y compris EELV. Il s’est passé peu de journées pendant cette campagne où je n’ai pas entendu ce ras-le-bol.

Il s’est également passé peu de jours sans que je n’entende une vraie interrogation sur le devenir de la ville. Je regrette profondément qu’aucun véritable projet écologiste n’ait émergé dans cette campagne, et qu’il n’y ait pas eu de bulletin vert à mettre dans l’urne au 1er tour.

Fort de son hégémonie sur le groupe local EELV de Montpellier, Mustapha Majdoul a mis en œuvre des combinaisons politiques à courte vue, entraînant la quasi-disparition de l’écologie politique dans cette ville, alors que nous étions en mesure de porter un projet écologiste qui aurait pesé dans le débat. Cette stratégie, ici comme à Marseille, a été sévèrement sanctionnée dans les urnes dès le premier tour. Alors même que, dans toutes les grandes villes où les écologistes se sont présentés sur un projet autonome, leurs idées ont progressé dans l’opinion comme dans les futurs gouvernements locaux, EELV, qui avait 3 conseillers municipaux dans l’opposition lors du dernier mandat, en aura 1, toujours dans l’opposition. Quelle débandade. Il faudra en tirer toutes les conséquences.

Il faut maintenant reconstruire l’écologie politique à Montpellier. C’est un travail de fond, et d’abord un travail sur les dossiers. Les écologistes exerceront leur vigilance dans la mise en œuvre des engagements du nouveau conseil municipal, et du nouveau conseil d’agglomération.

C’est aussi la nécessité d’ouvrir le débat, beaucoup plus largement. Face à cette défaite des systèmes partisans, il n’y a qu’une alternative : tenter de reconstruire un système identique sur les cendres de celui qui vient de mourir, ou profiter du seul acquis de cette campagne d’union, la transversalité des pratiques, pour permettre à une génération de démocrates de préparer un autre projet pour la ville. Un projet fondé sur la transparence démocratique, la sobriété des finances publiques, la gestion durable de nos ressources, la transformation de l’économie locale autour d’un projet durable. L’écologie est une alternative globale. Elle ne se construit ni par la révolution, ni par l’incantation, encore moins par le greenwashing. Elle se construit en pollinisant, en montrant qu’elle est possible au quotidien. Ni par des accords d’appareils, ni par l’enfermement dans des niches confortables et minoritaires, mais par le débat, et la sincérité des engagements.

C’est le moment. Au printemps, le ginkgo renaît toujours, et bourgeonne.

*«Et pourquoi le ginkgo?» me demande-t-on. Parce que le ginkgo est un arbre légendaire, fossile, rescapé des ères précédentes, et qu’il renaît toujours. A Hiroshima, le premier signe de renaissance de la vie fut le bourgeon d’un ginkgo, que le feu nucléaire n’avait pas pu détruire. Les premiers ginkgos français ont été implantés à Montpellier, au jardin des plantes.

et aussi

Une économie de la culture, pas de la culture à l’économie

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Depuis plus de 10 ans, l’essentiel de mon activité professionnelle s’est résumé à une seule chose : construire les conditions du développement d’une économie de la culture. Faire en sorte que l’on reconnaisse les structures culturelles et artistiques comme des entreprises artistiques. Avec leur spécificité, mais également avec leur besoin d’entreprises. Il a fallu d’abord imposer cette idée au sein d’un secteur qui y était majoritairement rétif. Puis il s’est agi de convaincre les puissances publiques que la culture était une économie.

J’ai fait ça au détriment de toute rentabilité économique, sans concession, dans une utopie d’entreprise militante. J’y ai laissé énormément de plumes, mes associés se sont épuisés à me suivre, et ils avaient raison, tant nous avions l’impression de prêcher dans un désert.

Les choses ont changé, le rapport Filipetti a fait sauter des verrous, certes. Mais sur le terrain, les choses vont lentement.

Je me suis engagé dans cette campagne municipale avec le sentiment que cela devenait possible, que le moment était peut-être venu. Et que cette dimension des politiques culturelles est de toute façon devenue une urgence, parce que les fonds publics dédiés à la culture vont continuer à stagner, et qu’il faut trouver ailleurs les moyens d’une viabilité économique des entreprises artistiques et culturelles.

Dans le dialogue avec Jean-Pierre Moure et Nicole Bigas, j’ai trouvé, pour la première fois dans cette région, un responsable politique qui non seulement comprenait ce que je disais, mais qui était convaincu que la culture est une économie, et qu’il faut aussi l’aider comme telle. Qui comprenait que faire de la culture à l’économie était une impasse, et qu’au contraire, il fallait construire les outils pour développer l’économie de la culture, accompagner le développement des entreprises artistiques, inventer les outils pour le faire.

Le programme culturel de cette liste n’est pas parfait. Aucun programme n’est parfait. Mais les dimensions de l’emploi culturel et de l’économie de la culture ne sont pas traitées comme une priorité parmi d’autres. Elles sont au cœur du projet.

Elles sont au cœur de la réflexion sur le soutien aux entreprises artistiques, sur les outils d’accompagnement, « les incubateurs », qui, bien sûr, ne ressembleront pas aux incubateurs de start-up existants, mais s’appuieront sur un savoir-faire éprouvé. J’ai vu tant de projets artistiques de talents éclore dans cette région, et buter sur un plafond de verre, parce que les compétences en gestion, en communication, la connaissance de l’économie spécifique de telle ou telle discipline pêchaient. Les outils que nous voulons construire sont de cet ordre : permettre aux porteurs de projet artistiques d’être accompagnés sur les dimensions qui leur manquent pour percer. C’est ça le sens de l’incubateur. Et derrière ça, il y a l’idée forte que l’économie de l’art est une économie du risque et du prototype, et qu’on ne peut pas faire porter sur les seuls artistes l’intégralité du risque. C’est le rôle de la puissance publique, comme c’est son rôle dans les autres secteurs économiques. Aider les entreprises artistiques de talent, depuis le repérage des émergentes à l’accompagnement des confirmées sur les dimensions qui leur manque pour être viables.

Ces dimensions sont aussi au cœur de la partie du projet sur l’accès à la culture et la proximité. Bien sûr qu’il faut tenir un discours de la vérité, que les acteurs artistiques de ce territoire n’arriveront pas tous à vivre de leurs créations, que l’action culturelle, l’implication sur le territoire doivent aussi être valorisées, et que ceux qui font ça sérieusement doivent pouvoir en vivre même si la DRAC les ignore. C’est pour cela que l’on veut construire des conventions sur 3 ans, que l’on cherchera à consolider de l’emploi en réfléchissant aux complémentarités d’activité et de mission.

Et ces dimensions sont aussi au cœur de la réflexion patrimoniale. Avec un supplément d’âme. Que l’histoire de cette ville ne soit pas seulement une histoire pour touristes, mais que les Montpelliérains s’en emparent pour mieux être acteurs de leur ville.

Et pour tout ça, je peux considérer que le boulot a été fait dans la préparation de ce projet.

Ami-es artistes, cultureux de tous bords, soutiers de back-office, techniciens de spectacle ou cachetonneurs, je n’ai pas à vous dire ce que vous aurez à faire dimanche 23 mars.

Moi, j’irai voter pour la liste dans laquelle je suis engagé. La liste conduite par Jean-Pierre Moure. C’est la seule, à mes yeux, qui porte un projet et qui donne sens à nos futures politiques culturelles.


 

Comment ?

C’est comment qu’on vote ?

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Il y a un truc qui me chiffonne toujours, c’est le manque d’informations sur le comment du vote, l’organisation des élections, etc. Je trouve ça très symptomatique de la grande difficulté de la république à faire la promotion de la démocratie. Ou, si tu préfères, lecteur, je trouve que ça illustre bien la longue tendance de la république à accaparer la démocratie. Bref, les élections municipales, ça se passe à peu près comme ça :

On élit qui, aux élections municipales ?

On élit des conseillers municipaux, et des conseillers intercommunaux. Une fois les conseillers municipaux élus, ils élisent en leur sein le ou la Maire, puis les adjoint-es au maire. Les conseillers intercommunaux élisent le ou la présidente de l’intercommunalité, et les vice-président-es.

Le nombre de conseillers municipaux dépend du nombre d’habitants. C’est toujours un nombre impair, pour favoriser la présence d’une majorité. Ça va de 9 conseillers municipaux dans les communes de moins de 100 habitants à 69 dans les communes de plus de 300 000 habitants1. À Montpellier, il y aura 65 conseillers municipaux après les élections de 20142.

Les listes qui se présentent sont paritaires, il doit y avoir autant de femmes que d’hommes, même s’il y a souvent un homme de plus, par le fait du nombre impair et de… Bref.

Dans les communes de plus de 1 000 habitants, on vote pour des listes entières. Pour que le bulletin soit valable, il ne doit être ni raturé, ni annoté, ni comporter quelque marque que ce soit qui permettrait d’identifier l’électeur. Car le vote doit comporter l’incertitude du secret. Ça ne signifie pas que nous n’avons pas le droit de dire pour qui l’on a voté, ça signifie que ces déclarations doivent être assorties d’une incertitude, liée au passage dans l’isoloir. J’y reviendrai. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, on peut panacher, mixer les listes. Un vrai bonheur à dépouiller.

Pour présenter une liste, il faut avoir le bon nombre de colistier-es, c’est à dire le nombre exact dans les communes de plus de 1 000 habitants. Et ces colistier-es doivent être inscrit-es sur la liste électorale de la commune.

Qui organise les élections ?

C’est la ville qui organise le scrutin, sous l’autorité du Préfet. Dans chaque bureau de vote, il y a 3 types différents de personnes :

– des employés municipaux, qui ont le rôle de secrétaires. Ils tiennent la liste électorale, les bulletins, les procès-verbaux, et généralement les clés de la pièce.

– un-e président-e. Nommé-e par le Maire, il est chargé de faire respecter la loi et notamment le code électoral.

– des assesseurs, nommés par les têtes de liste, qui assurent l’émargement des électeurs et le bon déroulement du scrutin.

Outre ces 3 catégories de personnes, les listes présentes peuvent désigner des délégués qui sont chargés de contrôler les opérations électorales.

Comment se passe le scrutin ?

Les 23 et 30 mars, les bureaux de vote ouvriront à 08h et fermeront à 20h à Montpellier. Si vous avez un doute sur votre bureau de vote, c’est ici que vous le trouverez.

Pour voter, vous devez vous munir d’une pièce d’identité. Si vous avez votre carte d’électeur, c’est un plus. Mais la pièce d’identité est obligatoire.

Vous pouvez prendre des bulletins sur la table prévue à cet effet, ou vous munir de ceux que vous avez reçus par la poste, si vous les avez reçus. Vous prenez aussi une enveloppe. ET VOUS PASSEZ OBLIGATOIREMENT PAR L’ISOLOIR. C’est ce qui protège la confidentialité de votre vote. Alain Garrigou explique tout ça merveilleusement, dans cet article : « Le secret de l’isoloir ».

Comment voter par correspondance ?

Si vous n’avez pas encore établi votre procuration, il faut vous dépêcher. Téléchargez-la. Trouvez un électeur de la commune qui accepte de voter pour vous, lui demander son adresse, date et lieu de naissance, profession, remplissez votre demande, et déposez-la vite dans un des ces lieux.

Comment connaît-on les résultats ?

Tout électeur peut participer au dépouillement du scrutin. S’il n’y a pas assez de volontaires, la présidence du bureau en désigne parmi les électeurs présents. Une fois le dépouillement terminé, la présidence du bureau proclame les résultats à voix haute, fait ranger la salle, et file au bureau centralisateur pour y remettre son procès-verbal. Et vite. Parce que les membres du bureau sont là depuis 7h30, qu’il sera pas loin de 22h quand tout sera fini, et qu’on est dimanche, quoi !

À la fin du 1er tour, les listes qui ont obtenu plus de 10% des votants peuvent se maintenir telles quelles au second tour ou fusionner avec une autre liste ayant obtenu plus de 5%.

À la fin du second tour, la liste arrivée en tête prend 50% des conseillers municipaux. L’autre moitié des conseillers est repartie à la proportionnelle des listes présentes au second tour. Ainsi, une liste qui fait 50% au second tour prend 50% des conseillers, et 50% de la moitié restante. Soit 75% des conseillers. C’est la prime majoritaire.

Allez voter.


  1. À Paris, Lyon et Marseille, il y a, en plus des conseillers municipaux, des conseillers d’arrondissement. A Lyon, 73 conseillers municipaux et 148 conseillers d’arrondissement, à Marseille, 101 conseillers municipaux et 202 conseillers d’arrondissement. À Paris, 163 Conseillers de Paris, qui sont aussi conseillers généraux, puisque Paris est à la fois une commune et un département, et 364 conseillers d’arrondissement.  

  2. La ville ayant passé le cap de 250 000 habitants, elle a gagné 4 sièges au conseil