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Une économie de la culture, pas de la culture à l’économie

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Depuis plus de 10 ans, l’essentiel de mon activité professionnelle s’est résumé à une seule chose : construire les conditions du développement d’une économie de la culture. Faire en sorte que l’on reconnaisse les structures culturelles et artistiques comme des entreprises artistiques. Avec leur spécificité, mais également avec leur besoin d’entreprises. Il a fallu d’abord imposer cette idée au sein d’un secteur qui y était majoritairement rétif. Puis il s’est agi de convaincre les puissances publiques que la culture était une économie.

J’ai fait ça au détriment de toute rentabilité économique, sans concession, dans une utopie d’entreprise militante. J’y ai laissé énormément de plumes, mes associés se sont épuisés à me suivre, et ils avaient raison, tant nous avions l’impression de prêcher dans un désert.

Les choses ont changé, le rapport Filipetti a fait sauter des verrous, certes. Mais sur le terrain, les choses vont lentement.

Je me suis engagé dans cette campagne municipale avec le sentiment que cela devenait possible, que le moment était peut-être venu. Et que cette dimension des politiques culturelles est de toute façon devenue une urgence, parce que les fonds publics dédiés à la culture vont continuer à stagner, et qu’il faut trouver ailleurs les moyens d’une viabilité économique des entreprises artistiques et culturelles.

Dans le dialogue avec Jean-Pierre Moure et Nicole Bigas, j’ai trouvé, pour la première fois dans cette région, un responsable politique qui non seulement comprenait ce que je disais, mais qui était convaincu que la culture est une économie, et qu’il faut aussi l’aider comme telle. Qui comprenait que faire de la culture à l’économie était une impasse, et qu’au contraire, il fallait construire les outils pour développer l’économie de la culture, accompagner le développement des entreprises artistiques, inventer les outils pour le faire.

Le programme culturel de cette liste n’est pas parfait. Aucun programme n’est parfait. Mais les dimensions de l’emploi culturel et de l’économie de la culture ne sont pas traitées comme une priorité parmi d’autres. Elles sont au cœur du projet.

Elles sont au cœur de la réflexion sur le soutien aux entreprises artistiques, sur les outils d’accompagnement, « les incubateurs », qui, bien sûr, ne ressembleront pas aux incubateurs de start-up existants, mais s’appuieront sur un savoir-faire éprouvé. J’ai vu tant de projets artistiques de talents éclore dans cette région, et buter sur un plafond de verre, parce que les compétences en gestion, en communication, la connaissance de l’économie spécifique de telle ou telle discipline pêchaient. Les outils que nous voulons construire sont de cet ordre : permettre aux porteurs de projet artistiques d’être accompagnés sur les dimensions qui leur manquent pour percer. C’est ça le sens de l’incubateur. Et derrière ça, il y a l’idée forte que l’économie de l’art est une économie du risque et du prototype, et qu’on ne peut pas faire porter sur les seuls artistes l’intégralité du risque. C’est le rôle de la puissance publique, comme c’est son rôle dans les autres secteurs économiques. Aider les entreprises artistiques de talent, depuis le repérage des émergentes à l’accompagnement des confirmées sur les dimensions qui leur manque pour être viables.

Ces dimensions sont aussi au cœur de la partie du projet sur l’accès à la culture et la proximité. Bien sûr qu’il faut tenir un discours de la vérité, que les acteurs artistiques de ce territoire n’arriveront pas tous à vivre de leurs créations, que l’action culturelle, l’implication sur le territoire doivent aussi être valorisées, et que ceux qui font ça sérieusement doivent pouvoir en vivre même si la DRAC les ignore. C’est pour cela que l’on veut construire des conventions sur 3 ans, que l’on cherchera à consolider de l’emploi en réfléchissant aux complémentarités d’activité et de mission.

Et ces dimensions sont aussi au cœur de la réflexion patrimoniale. Avec un supplément d’âme. Que l’histoire de cette ville ne soit pas seulement une histoire pour touristes, mais que les Montpelliérains s’en emparent pour mieux être acteurs de leur ville.

Et pour tout ça, je peux considérer que le boulot a été fait dans la préparation de ce projet.

Ami-es artistes, cultureux de tous bords, soutiers de back-office, techniciens de spectacle ou cachetonneurs, je n’ai pas à vous dire ce que vous aurez à faire dimanche 23 mars.

Moi, j’irai voter pour la liste dans laquelle je suis engagé. La liste conduite par Jean-Pierre Moure. C’est la seule, à mes yeux, qui porte un projet et qui donne sens à nos futures politiques culturelles.


 

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C’est quoi, pour vous, être montpelliérain ?

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«Il n’est pas Montpelliérain». «Le maire de Cournonsec», «Il faut un maire montpelliérain pour Montpellier», «Les maires de Montpellier sont des universitaires».

Ces phrases, prononcées par deux têtes de liste pour les municipales de Montpellier, elles ne vous ont pas fait bizarre ? Moi, elles m’ont interrogé.

Bien sûr, je pourrais me dire que c’est juste une attaque ad hominem envers Jean-Pierre Moure. Mais, à bien y réfléchir, je crois qu’elles traduisent quelque chose de beaucoup plus profond, et de beaucoup plus inquiétant.

Derrière ces attaques, il y a comme une vision dépassée de la ville, antinomique de tout discours sur l’avenir. Ces phrases interrogent une double identité, celle de la ville et celle des Montpelliérains.

C’est quoi, pour vous, être montpelliérain ?

On est pas Montpelliérain parce qu’on est né ici, qu’on y a grandi ou qu’on appartient à une dynastie de barons de Caravètes. Ça, c’est du folklore.

Dire ça, penser ça, c’est être aveugle à une réalité sociologique qui a submergé la ville : 75% des Montpelliérains adultes ne sont pas nés à Montpellier. Si l’on voulait, à partir de la liste électorale, dresser le portrait robot d’un Montpelliérain électeur, on tomberait sur un ou une Montpelliéraine de 48 ans, née en Ile de France, en Paca, en Rhône-Alpes ou en Pays de Loire, installée depuis 5, 10 ou 25 ans dans cette ville. Ce portrait-là, c’est plus d’un électeur sur deux. C’est ça le Montpelliérain contemporain. Moi qui suis né à Lyon, qui ai 47 ans et qui suis là depuis 20 ans, je suis un Montpelliérain type, quand Domergue et Saurel sont des espèces en voie de disparition.

Pourquoi est-ce que je suis devenu Montpelliérain ? Pourquoi est-ce que cette nouvelle génération est devenue montpelliéraine ? Comment l’est-elle devenue ?

Je suis montpelliérain parce que, comme les 3/4 des Montpelliérains, je suis né ailleurs, j’ai grandi ailleurs, et que je me suis installé ici parce que j’ai aimé cette ville.

C’est quoi pour vous être montpelliérain ? Moi je suis montpelliérain parce que j’aime cette ville. J’y suis venu un jour pour travailler, et j’ai voulu y rester. Pas pour le soleil. Au début, le soleil, c’était dur. Je suis arrivé en plein mois d’août, et moi, l’alpin, j’avais trop chaud. J’ai aimé cette ville pour ses places, pour ses maisons, pour l’arrière-pays, la mer et les étangs. J’ai aimé cette ville pour ces habitants.

Pour moi c’est juste ça. Je suis montpelliérain parce que j’ai aimé cette ville, et que la ville m’a accueilli.

Parce que c’est ça, Montpellier ! L’identité de Montpellier, c’est ça. Ça fait mille ans que cette ville existe, et ça fait mille ans qu’elle accueille ceux qui viennent du monde entier pour y étudier et y travailler.  Mille ans, ça forge le caractère !

On est montpelliérain parce que la ville nous aime, et parce qu’on l’aime. On est montpelliérain parce que la ville nous a accueillis. Qu’importe que ce soit à la naissance ou plus tard.

Le « miracle » démographique de Montpellier n’est pas commun. D’autres villes du sud auraient pu être l’aspirateur de l’héliotropisme que Montpellier est devenu. Nîmes, Aix-en-Provence, Avignon, ou même Perpignan et Narbonne. Plusieurs conditions se sont mises en œuvre. Le premier boom économique et démographique de l’arrivée des pieds-noirs, le marketing territorial réussi des premières années Frêche (la surdouée, l’entreprenante), tout ça, ce sont des éléments tangibles. Mais ça ne suffit pas. Il faut aussi compter sur l’absence de structures économiques rigides, qui a permis une porosité aux nouveaux secteurs économiques, et sur une société montpelliéraine qui a su accepter cette arrivée de « néo ». Et elle l’a accepté pour plusieurs raisons : parce qu’elle en avait besoin, parce qu’une partie pensait que les « néo » ne lui raviraient jamais le « vrai » pouvoir, et parce que Montpellier est, intrinsèquement, accueillante. Superficielle, mais permissive. La ville t’accueille dans ses espaces publics, pas facilement dans son intimité bourgeoise, d’accord. Mais elle te laisse mener tes aventures.

Tous ces néoMontpelliérains, qui ont connu d’autres villes, d’autres codes, croisé d’autres façons d’entreprendre ou d’être en société, sont devenus montpelliérains parce que, de tout temps, dans toute l’histoire de la ville, Montpellier s’est construite sur le brassage. Être montpelliérain est la plus facile des choses, il suffit de vouloir vivre la ville. Peu de villes peuvent être décrites comme ça. Pas Lyon, pas Marseille, Bordeaux ou Strasbourg.

Et pourtant, dans cette campagne municipale, il y a deux têtes de liste qui pensent et qui disent qu’être montpelliérain ce n’est pas ça. Deux têtes de liste qui pensent et qui disent que pour être maire de Montpellier, il faut être « un vrai Montpelliérain ». Être né et avoir grandi ici, comme eux.

Deux têtes de liste qui pensent qu’elles appartiennent à une caste, celle des grandes familles montpelliéraines, celles des universitaires, des médecins, des avocats. Qui ont de tout temps peuplé cette ville, c’est vrai. Qui l’ont dirigé, souvent. Certes. Mais ce ne sont pas les dynasties d’universitaires qui ont fait la ville. Bien sûr, la république a été proclamée sur le parvis de la faculté de Médecine. Mais ce n’est pas parce que les universitaires possédaient la ville. C’est parce qu’en ces temps troublés, l’Université était un refuge. C’est l’Université qui a fait la ville, pas les universitaires. L’université a façonné Montpellier, comme l’Université a façonné Oxford et Cambridge.

Sauf que Montpellier a grandi. Il y a aujourd’hui plus d’habitants à Montpellier qu’à Cambridge et Oxford réunis !

Le creuset identitaire montpelliérain ne plonge pas ses racines dans les longues dynasties de professeurs, de juristes et de médecins, mais dans l’Université elle-même. Si Montpellier est Montpellier aujourd’hui, c’est parce qu’elle continue d’accueillir des étudiants, des chercheurs du monde entier, et des hommes et des femmes qui brassent, croisent les cultures, les méthodes, les idées. Tout le contraire de l’identité repliée sur les barons de Caravètes.

Et le Montpellier d’aujourd’hui est fidèle au Montpellier de la révolution universitaire et culturelle du Moyen-Age.

L’identité montpelliéraine, c’est que chacun peut, ici, vivre en accord avec la ville et avec les autres, et inventer la ville, comme la ville s’est toujours inventée à partir des nouveaux Montpelliérains qui venaient ici pour étudier et travailler. C’est une ville ouverte, au contraire de Nîmes, d’Aix ou d’Avignon. C’est pour cela qu’elle a attiré, et qu’elle continue d’attirer de nouveaux Montpelliérains, c’est pour cela qu’elle les intègre avec tant de facilité. C’est une ville dont on tombe amoureux parce qu’elle se laisse aimer, au contraire de tant de villes qui se refusent à l’autre, à l’étranger.

Moi je suis un vrai montpelliérain, parce que je suis né ailleurs, que j’ai grandi à Lyon et dans les Alpes, que j’ai vécu à Paris, que j’ai vu d’autres choses, appris d’autres façons de vivre, et que je veux que Montpellier reste cette ville ouverte sur l’avenir et sur le monde. Je suis montpelliérain parce que j’aime cette ville, et je veux continuer à y vivre. Même si ce n’est pas toujours facile.

C’est pour ça que j’ai rejoint l’équipe de Jean-Pierre Moure, parce qu’elle accueille les Montpelliérains comme moi, qu’elle est ouverte aux expériences, à l’énergie d’une nouvelle génération, de nouveaux talents, parce qu’elle connaît la ville.

Philippe Saurel et Jacques Domergue ne veulent pas gouverner la ville, ils veulent juste en être maire, parce qu’ils pensent qu’ils font partie d’une caste qui aurait seule le droit de s’asseoir sur ce fauteuil. Ce sont des dinosaures. Ils ne comprennent pas la ville. Ils ne l’ont pas vu rajeunir et changer.

Nous voulons gouverner la ville pour qu’elle continue à être la ville ouverte, intelligente, et fertile qu’elle est depuis toujours. Pour que l’on continue de l’aimer, et qu’elle continue d’aimer ses habitants, et de se réinventer chaque fois qu’il le faut, pour mieux rester elle-même.

C’est ça, Montpellier !

Pourquoi la photo ? La fontaine du Chabaneau renaît toujours. C’est le premier lieu de la ville où je me suis senti montpelliérain.
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L’abeille, le romantisme politique, et la participation gouvernementale

« Je ne voterai pas pour la liste sur laquelle tu es. Même si c’est vrai que de l’intérieur on semble pouvoir faire bouger plus les lignes, on hypothèque les vraies ruptures, constructions alternatives, dont la ville (le pays) a besoin… »

Je prends ce message pour incipit1, mais j’aurais pu en prendre d’autres, tournés différemment, qui posent la même question, celle de la participation des écologistes aux gouvernements, quelle que soit l’échelle du territoire. Une interpellation qui m’est adressée, comme elle est adressée à toutes celles et ceux qui s’engagent pour gouverner au sein d’une majorité plurielle, quel que soit le rapport de force et les modalités qui président au futur rassemblement.

La participation hypothèquerait, donc. Elle engagerait l’avenir en fonction d’une chose que l’on espère pouvoir acquérir, elle créerait de ce fait une obligation susceptible de compromettre l’accomplissement de quelque chose.

C’est une chose de le dire, c’est autre chose de le démontrer. Hormis le fait que les avancées seraient certainement autres si l’écologie était majoritaire politiquement, qu’est-ce qui permet de dire que la participation aux exécutifs hypothèque les vraies ruptures ? Quels sont les éléments tangibles qui permettent d’étayer cette affirmation ?

Lorsqu’on constate qu’une part très importante du programme fondamental des écologistes s’est diffusée dans le corps social autant que dans le corps politique, et que, si d’autres que nous le mènent, le résultat est souvent du seul greenwashing, peut-on considérer que la non-participation permet de lever l’hypothèque ? Ou n’est-ce pas plutôt l’inverse ?

Il y a lutte, y compris au sein de la formation qui porte l’écologie politique, contre ceux qui se servent du label écolo comme un simple étendard. Qu’est-ce qu’on fait ? On leur laisse le terrain libre ? Dans ce cas là, quelle est l’alternative ? Porter le discours ailleurs, autrement, construire une autre formation politique ? Essayer de reprendre la main sur un outil déjà construit ? Et si on y arrive pas, on laisse filer ?

J’aimerais bien me contenter de cette vision éminemment romantique qui affirme que tant que les conditions ne sont pas réunies pour gouverner idéalement, il faut s’abstenir de gouverner. Non pas que cette position soit rassurante pour l’avenir, mais parce qu’elle permet de rester dans un confort intellectuel, celui de ne pas avoir à affronter les contradictions de la société que l’on souhaite pourtant représenter et changer, et celui de ne pas avoir à affronter ses propres contradictions.

Mais en fait, non, je n’aimerais pas. L’histoire politique m’enseigne une chose à propos du romantisme politique, c’est qu’il n’a que deux débouchés : l’impuissance et le totalitarisme. Donc, jusqu’à ce qu’on me démontre que l’hypothèque est vraiment du côté de la participation, et non l’inverse, je continuerai à lutter à l’intérieur du champ démocratique qui s’impose à nous, plutôt que de témoigner de mon impuissance depuis l’Aventin, en exhortant une plèbe – qui n’existe plus – à prendre d’assaut un mont sacré – tout aussi inexistant.

Ça ne revient en rien à dire que c’est le seul mode d’action politique, qu’il est exclusif d’une pollinisation par d’autres vecteurs.

La pollinisation, cet emprunt politique au comportement des abeilles, qui portent par leur activité quotidienne la possibilité de la vie de proche en proche, est certainement ce qui différencie le plus l’écologie politique des autres courants du changement.  Ce mode de diffusion des idées, par les associations, par l’adoption individuelle d’autres règles de conduite, par l’exemplarité de certains et la faisabilité de solutions techniques, n’est pas qu’une image, une métaphore. C’est le moyen pacifique et efficace de mener la seule révolution qui soit écologiste, la révolution copernicienne, celle qui vise à développer l’état de conscience que l’activité humaine est polluante, et qu’il faut limiter cette « empreinte » si l’on veut permettre aux générations futures de vivre encore sur cette planète.

La participation politique aux institutions qui gouvernent est la traduction, au cœur des appareils de pouvoir, de cette pollinisation. Elle en est le complément indispensable si, comme moi, on refuse la position romantique qui consiste à préférer l’infinité du désir aux satisfactions éventuelles, toujours disqualifiées parce que non idéales, et donc forcément décevantes2.

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Les roses aussi ont besoin d’être pollinisées – Crédit photo : Michael Vincent Miller


  1. et j’espère que son auteur ne prendra pas ombrage de cet emprunt 

  2. Philip Knee, Romantisme et politique, université de Laval, 2007 

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Je l’aimais beaucoup, Pierre Mauroy

J’aimais beaucoup Pierre Mauroy. C’est un homme sincère. Il était de la vieille gauche, mais il avait de vraies valeurs. Et il pissait droit.
Mon meilleur souvenir de Gros Quinquin, c’est ce jour où l’on s’est retrouvé côte à côte devant une rangée d’urinoirs publics, pour satisfaire à un besoin identique de soulagement de la vessie. Je pissais à côté d’un ex-premier ministre. Il me connaissait de vue, on a échangé trois phrases sur mon employeur de l’époque, et sur le petit monde solférinesque.
Et au bout de ces quelques instants à dire du mal de nos contemporains, il m’a raconté la blague du vieux médecin juif et du jeune qui urinent de concert dans les toilettes de la salle à Bar Mytzvah.
On a beaucoup ri, sans jamais pisser à coté.

Tous mes respects, Pierre Mauroy. J’aimais ta proximité. Et la force de ta volonté.

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Soutenez le refuge

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J’ai connu de nombreux refuges. Certains étaient froids, rudes, dépouillés. Mais ils étaient ce qu’ils étaient. Des refuges. Des abris.

Je me souviens du premier, le refuge de l’Oule, dans le massif de Belledonne, sur le glacier du Gleyzin. Le glacier n’est plus, ou quasiment plus. Il subsiste, ça et là, langues de blanc au creux des thalwegs, couches de glace grises sous des amas de gneiss, rendant dangereuse la marche sur ces schistes glacés.

Le glacier disparaît, mais le refuge de l’Oule est toujours là. Il est même gardé l’été.

Enfant, il m’apparaissait comme un oasis d’humanité au cœur de l’étendue millénaire. Un havre pour affronter séracs, crevasses, combes avalancheuses, toute cette panoplie de pièges et de chausses-trappes que la haute-montagne confectionne pour ramener l’homme à la modestie de sa condition.

Plus tard, j’ai connu d’autres refuges. Des grands, confortables, parfois trop. Des chaleureux, joyeux. Et des grottes, froides et noires, au creux de parois alpines peu hospitalières. Des abris chargés d’histoire, et hors du temps. Ouverts aux aventuriers.

J’ai connu d’autres refuges, différents. Clos par besoin. Lieux de sûreté pour camés repentis, asiles de charité pour malades ou déshérités, planches de salut pour pestiférés.

Et des maisons-refuge, ouvertes aux amis, aux apatrides et exilés de passage.

Je connais un refuge. Un recours chaleureux, gai, rempli d’une force et d’une humanité.C’est un jeune refuge. Il n’a que dix ans. Mais il lutte contre l’ignorance et la bêtise, contre la haine et la peur. Il est, en lui-même, une aventure. Une belle aventure.

Soutenez-le. Soutenez-les.

http://www.le-refuge.org/

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La 6° république de Mélenchon est à la république ce que le 6° sens est aux 5 autres sens : une mystique

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Je cherche une raison qui pourrait m’amener à manifester le 5 mai pour une sixième république, à l’appel de Jean-Luc Mélenchon. Je n’en trouve pas. Ça m’embête. Je combats la V° république depuis si longtemps. Pendant des années, j’ai enseigné sa nocivité à mes étudiants. J’ai travaillé avec ceux qui, il y a déjà quinze ans, se penchaient sur la nécessité d’un nouveau contrat social. Et nous étions alors des marginaux.
Je pourrais redire ici ce qu’ont déjà très bien dit Bastien François et d’autres, que je ne trouve pas le programme ni du Parti de Gauche, ni du Front de Gauche en la matière. Que je ne vois rien d’autre qu’un appel à une constituante, et quelques principes jetés sans développement.
Je cherche une exemplarité que je pourrais suivre, sur le cumul des mandats, par exemple. Quand les trois-quarts des parlementaires Front de Gauche cumulent leur mandat de député ou de sénateur avec des mandats de maires ou de conseillers généraux, régionaux, des présidences d’intercommunalité, ce n’est assurément pas là que je vais la trouver. Dans la parité ? Deux députées sur dix. Encore un effort, camarades.
Je pourrais chercher la confiance dans une organisation qui fonctionne différemment des organisations issues du mouvement ouvrier, qui n’ont souvent fait que copier la structuration pyramidale des pouvoirs qu’elles étaient pourtant sensées combattre. Je cherche en vain des textes forts du Parti de Gauche assumant une démocratie horizontale. Je ne trouve que des incongruités (des responsables locaux élus au suffrage majoritaire), et des appels à la démocratie directe, une base qui interpelle un sommet, et de multiples niveaux de hiérarchie entre les deux.
Je pourrais me laisser guider par les mots, par un élan.
Mais si je combats la V° république, c’est d’abord parce que c’est un régime bonapartiste. Un régime taillé par et pour un homme providentiel, celui qui par son charisme saura emmener le peuple. Je ne rejette pas le charisme. J’ai suffisamment lu Max Weber pour reconnaître que certains changements profonds sont favorisés par la capacité d’un leader à les populariser. Mais je sais aussi que le charisme n’est pas une solution. J’ai lu Ian Kershaw, et j’y ai appris que le charisme en politique porte aussi le bonapartisme, au moins pire, et le totalitarisme, à ses extrêmes.
Je ne veux pas de ça. Je ne veux pas rejoindre un mouvement qui ne tient que sur l’incantation. Il n’y a rien de pire que l’alliance du molletisme, cette tradition de la gauche française qui consiste à produire un discours radical de changement tout en continuant à fonctionner selon des règles conservatrices, et du charisme politique. Surtout quand il s’appuie sur le registre si vite démagogique du « populaire ».
Il y a dans le verbe mélenchoniste trop de choses qui me dérangent. Les « sortons-les tous », et autres « coups de balai », purs moments populistes, assumés par Martine Billard, co-présidente du PG, comme les éléments d’une « course de vitesse avec le FN » : « on ne peut pas laisser le FN être le seul à parler fort ».
Mais ça veut dire quoi, parler fort, Martine ? À quel moment l’appel à l’insurrection populaire permet de se garder de la violence populiste ? Qu’est-ce qui peut garantir qu’un verbe populiste « de gauche » nous protège du bonapartisme, du populisme, de la démagogie ?
Les références à la mythologie de la révolution française ? Les incessants rappels à Robespierre ?
La VI° république que je veux n’est pas le retour à une mystique révolutionnaire. Elle n’est pas la reprise d’un chemin abandonné il y a deux cent vingt ans, peuplé de guillotines, de leaders paranoïaques et de culte de l’être suprême.
La 6° république de Jean-Luc Mélenchon est à la république ce que le 6ème sens est aux 5 sens : une mystique. Un machin peuplé d’irrationnel, sans autre garantie de succès que la confiance que l’on devrait accorder à un leader charismatique au registre démagogue. Non, décidément, ce sera sans moi.

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Pour ne pas parler de sexe, la droite glisse dans la violence

Agressions homophobes, outrances verbales, violences à l’Assemblée, … Après avoir donné un tour passionnel à son combat contre le mariage pour tous, voilà que l’opposition rentre dans le domaine dangereux des pulsions.
De quoi parle-t-on, depuis que l’on parle de mariage pour tous ? De deux choses, essentiellement. De normes sociales et de normes sexuelles.
Tant que les homosexuels n’avaient pas droit au mariage, ils et elles pouvaient être reléguées dans la subversion. Tout au moins dans l’esprit de celles et ceux qui considèrent que l’homosexualité reste une anormalité. Le PACS était à leur yeux un sous-contrat. Ça tombe bien, pour beaucoup d’entre eux, les homosexuels sont du registre d’une sous-humanité.
L’ouverture du mariage, acte civil, contrat juridique, les placent dans une norme acceptée. Et c’est là que tout coince. L’opposition à l’ouverture de cette norme sociale fait remonter au grand jour son origine même : le refus d’accepter socialement la liberté de choix sexuel*.
C’est dans ce nœud, psychanalytique, celui du sexe, que réside l’explication de la majeure partie des violences homophobes auxquelles nous assistons. Il ne s’agit pas de morale, ni d’enfants à protéger, non. Il s’agit de sexe. De peur du sexe. De peur de la liberté sexuelle. Cette peur refoulée, qui remonte en pulsions. Violentes. Et c’est précisément pour ne pas avoir à parler de sexe que cette droite glisse dans la violence.
C’est sur ce terreau de l’inconscient que les principaux dirigeants de la droite parlementaire ont construit leur mobilisation, épaulés par une passionaria catholique improbable, bouffonne mais efficace.
C’est sur cette “terre de la folie” que les extrêmes droites et les catholiques traditionalistes croient pouvoir rejouer la crise politique des années 30.
Ils attisent une autre version de la partition qu’ils jouent depuis des décennies. De la peur de l’autre, de l’étranger, leur rhétorique de guerre glisse vers la peur du même. L’homophobe a d’abord peur de lui-même. De ce que tous les appels à la tradition et à la peur refoule au fond de lui. Et dans cette haine de l’autre, c’est d’abord la haine de soi qui s’exprime.
Face à ce cocktail explosif de cynisme, de violence et de refoulement, il y a urgence à répondre par le nombre, et par une mobilisation massive. C’est encore une fois toutes nos libertés que nous défendons en luttant pour l’égalité du mariage et la liberté de choix sexuel. Et je serai sur la place de la Comédie à 19 heures le 23 avril, pour célébrer avec de très nombreux montpelliérains le vote solennel de la loi.
Mais tout notre amour (de l’autre, et pas seulement de soi), et toute notre fraternité ne suffiront pas. Il nous faudra, aussi, oser parler de sexe.
Il n’est pas anodin, à cet égard, que l’une des principales associations organisatrices des manifestations réactionnaires (l’association des familles catholiques) soit également initiatrice d’une pétition contre l’éducation sexuelle à l’école. Il faut, d’urgence, développer les soutiens publics, à tous les niveaux, pour des associations comme le Planning Familial. Et refonder une véritable éducation sexuelle, dont l’inanité n’a jamais été aussi criante dans ce pays.

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“Vous êtes haine, nous sommes amour”. EELV répond à Civitas, dimanche 21 avril. Photo @R0deric

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Ça m’a fait bizarre

Je viens de me faire rappeler à l’ordre. À l’ordre de marche. Je ne marchais pas en zigzag, non. Je ne courrais pas non plus. Mais je n’étais pas dans l’ordre.
Ça m’a fait bizarre.
Même la loi ne m’avait jamais rappelé à son ordre.
J’ai dit que j’ouvrais la marche, mais on m’a répondu que ce n’était pas possible, on n’avait pas encore décidé du chemin.
Ça m’a fait bizarre. Comment peut-on s’appeler “en ordre de marche” si on ne sait pas où on va ?
On m’a répondu que ça n’avait pas de sens, que la tradition voulait qu’on aille toujours au même endroit.
Je me suis dit :
– Aïe, c’est un ordre traditionaliste. J’ai du faire une erreur d’appréciation. Je croyais que c’était un ordre militaire, et c’était un ordre ecclésiastique.
Je leur ai dit. On m’a répondu vertement.
– On est “en ordre de marche”, on est prêt, quoi !
– Mais prêts à quoi ?
– À avancer !
– Mais dans quelle direction ?
– L’important c’est d’être prêts !
– Ah ! fis-je, feignant de comprendre. Comme une voiture en ordre de marche ! Elle a tout, le carburant, les fluides, le conducteur, elle est en ordre de marche. Manque juste les passagers.
Non, ça ne se peut pas. On ne sait même pas qui est le conducteur. Non, ça ne peut pas être ça.
En ordre de marche. On marche en ordre. On met bon ordre. Donc on te rappelle.
– Tu es monté sans demander, maintenant descends en rappel.
– Tu es du sous-ordre de ceux qui obéissent aux ordres de ceux qui sont plus nombreux, tu saisis ?

Je n’ai pas saisi la perche. Je vais rester un peu, j’aime le spectacle des centurions dans la plaine.

Mon binôme, elle l’a prise la perche. La longue gaule de bois. Faut dire qu’elle avait un peu la gueule de bois, alors elle avait besoin d’air. Elle a pris son élan, et elle a passé la barre. Bien joué, Olympe.

Moi j’aime pas les ordres, mais j’aime bien être sur la marche. Pas la marche militaire, hein ! La marche géographique. L’endroit le plus exposé, en temps de conflit.
Non pas que j’aime la défendre. Je n’ai pas le goût d’être marquis. Ni que je puisse croire, comme Barrès, que la marche serait “par définition, une antithèse”. Barrès ne comprenait rien.

C’est juste que, depuis la marche, on voit plus loin. Une histoire de nain et de géant.

Nanos gigantium humeris insidentes. Standing On The Shoulder Of Giants.

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et un petit clin d’œil sonore à mes camarades écoloactifs : 


(source de l’image)

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De l’écologie politique de masse

J’ai un problème. Je défends des idées qui ont du mal à passer dans la population. Je défends la mise en œuvre de politiques publiques qui soient radicalement différentes de celles qui sont mises en œuvres depuis les trente glorieuses.

J’ai conscience que l’humanité crame les ressources naturelles de la Terre dans une totale inconscience, en se foutant royalement de ce qui restera aux générations futures.

Je veux pouvoir vivre autrement, dans un monde apaisé, partagé.

Mais ça, ça demande énormément de choses.

Ça demande à ce que nous puissions collectivement imposer un autre partage des richesses, que l’écart entre les plus pauvres et les plus riches se réduisent drastiquement à l’échelle de la planète.

Ça demande à ce que nous arrivions à substituer à la production de biens inutiles pour la plupart, une production de biens utiles à tous, une production qui créée de la richesse sur des bases équitables.

Ça demande à ce que nous arrivions à substituer à la production d’énergie à partir de ressources usables, une production d’énergie à partir de ressources renouvelables. C’est d’ailleurs la clé du changement de production et de consommation.

Ça demande à ce que les politiques publiques, locales ou nationales ou européennes, soient pensées différemment, soient construites différemment, avec des systèmes de participation et de contrôle qui empêchent le détournement de l’intérêt général au profit d’intérêts privés. C’est d’ailleurs la pierre angulaire pour que l’impôt redevienne acceptable, et qu’une politique de redistribution des richesses puisse être acceptée.

Comme je crois en la faillite intrinsèque des processus révolutionnaires, qui ont tous été, sans exception, des processus de substitution d’une élite à une autre, j’ai opté depuis longtemps pour une autre méthode de transformation de la société : la diffusion de mes idées dans la société, l’élargissement de leur audience, l’idée forte que tu vas semer une autre façon de faire qui se développera sans toi, que tu vas fertiliser, polliniser, comme une abeille qui en récoltant le pollen permettra à la nature de se reproduire.
Et ce n’est pas facile.
Et c’est long et lent, alors que je vois des urgences.

Alors j’ai opté pour une démarche que j’appelle l’écologie de masse.

L’écologie de masse, ça commence d’abord par un “nous”. La création d’un collectif, dans lequel le pouvoir se partage autant que les idées et les compétences. Un “nous” le plus paritaire possible, parce que la parité est d’une redoutable efficacité.

Dans mon “nous”, on favorise une organisation en binôme paritaire. À deux, c’est mieux.

Une fois que les contours de ce “nous” sont posés, le collectif va te permettre d’agir.

Mais comment ?

Faire de l’écologie de masse, c’est prendre le pari que tu vas diffuser non pas une parole technicienne, experte, élitiste, ou une parole catastrophiste, cassandrienne, faussement radicale, mais une parole accessible à une majorité.

Faire de l’écologie de masse, c’est se donner les moyens de toucher le plus grand nombre possible de gens autour de toi. Les toucher dans leur quotidien, dans leur représentation du monde, des problèmes qu’ils rencontrent. C’est leur montrer des solutions auxquelles ils n’ont pas vraiment pensé.

Et c’est toucher le pus grand nombre possible en évitant au maximum les déformations de tes idées.

Faire de l’écologie de masse, c’est aussi intégrer que toi, militant politique, forcément généraliste, tu dois te mettre au service des engagements associatifs qui partagent tes idées.

Au contraire des partis révolutionnaires qui font du monde associatif une courroie de transmission, au contraire des partis socio-démocrates qui font du monde associatif un terrain de récupération ou de clientélisme, faire de l’écologie de masse, c’est accepter l’idée d’un partage des rôles et des savoir-faire.

Accepter d’utiliser les codes des médias, qui ont besoin de raconter des histoires plus que des idées, mais se servir de cette nécessaire personnalisation des enjeux comme d’un moyen, d’un levier pour faire avancer les causes collectives défendues notamment par les associations. La division du travail entre l’écologie politique et les mouvements associatifs doit être là : le militant politique n’est qu’un porte-voix, un accélérateur, celui qui permet de poser le problème dans la tête de celles et ceux qui sont en charge de la conception et de l’application des règles collectives.

Offrir un vélo au Préfet parce qu’il annonce une sévérité accrue auprès des cyclistes, c’est un résumé de cette méthode.

Face à une parole publique qui discrédite un engagement fondamental des écologistes, un “nous”, un collectif plutôt rodé à de “l’activisme”, décide de réagir, et de réagir vite. Il invente un processus médiatique, au sens où il espère que la forme de l’action permettra qu’elle soit relayée par les médias, et que cette forme médiatisable permettra non pas de masquer, comme trop souvent, mais au contraire de mettre en valeur le fond et les idées.

Le collectif enrôle des acteurs associatifs, qui ne travaillent pas forcément ensemble, et qui seraient réticents à se mettre sous une bannière partisane.

Il leur propose d’être une caisse de résonance, qui favorisera leur expression publique, et renforcera leur légitimité à être des interlocuteurs publics.

Il ne se substitue pas à eux, il ne leur fait pas écran. Il met à leur disposition sa rapidité d’action et sa capacité à communiquer.

L’action est construite ensemble, par un va-et-vient pour valider le message, les objectifs et les modalités concrètes, là encore dans une cohérence entre le fond et la forme.

L’action est réussie si le message est largement diffusé et relayé par les médias, si l’interlocuteur comprend la nécessité d’un dialogue avec les acteurs associatifs, et si ces derniers peuvent enclencher une dynamique de construction de politiques publiques plus efficace à la suite.
Et si la confiance est renforcée entre les partenaires de l’action.

Et si l’action des différents relais donne à d’autres l’envie de participer et de s’engager dans le même sens.

Ça, c’est de l’écologie politique de masse. Comme je l’aime.

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et aussi, slide

Il est trop tard pour courir après le temps perdu

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(ou pourquoi je pense qu’il faut refuser d’entrer dans la majorité municipale à Montpellier)
Rappel des faits : Depuis 2008, Montpellier est une des seules grandes villes de France dirigée par la gauche sans les écologistes.
Pourquoi ? Nulle raison n’a jamais vraiment été avancée, sauf que… l’ancien Maire ne voulait pas des Verts, que l’alliance avait été privilégiée avec le Modem, et que de nombreux points de désaccords existaient.
Depuis 2009, un serpent de mer s’est installé, celui d’une “normalisation” des relations entre le PS montpelliérain et EELV. Cela ne s’est jamais concrétisé.
Voilà que l’affaire est relancée en septembre 2012, à 16 mois des prochaines échéances municipales, à 3 mois d’entamer la dernière année d’exercice budgétaire pleine et entière, à quelques mois de vraisemblables discussion avec toute la gauche sur les projets et les envies pour 2014-2020.
Nous avons ce samedi 29 septembre une assemblée générale des adhérents d’Europe-Écologie Les Verts pour nous prononcer collectivement sur notre volonté d’accepter ou non une proposition d’entrée d’EELV dans la majorité municipale montpelliéraine.
Trois raisons principales auraient dû nous amener à opposer un refus de principe à cet ultime tour de discussions avec la majorité municipale :
1. Il est trop tard pour le faire
2. Il est trop tard pour bien faire,
3. Il est trop tard pour que cela se fasse.
1. Il est trop tard pour faire ce qui aurait pu être fait il y a plus de 4 ans. En mars 2008, les électeurs nous ont confié la responsabilité d’un programme, pas d’une alliance. Si ce rassemblement n’a pas eu lieu alors, c’est parce que la majorité municipale n’a pas souhaité le faire. Elle souhaitait mettre en évidence un autre programme que le nôtre. Les choses ont-elles changé ? La majorité municipale actuelle vient-elle nous chercher pour enfin sortir par le haut de l’infernal et ubuesque scénario de doublement de l’A9 ? Ou pour mettre en œuvre rapidement une conversion de la cuisine centrale au bio et aux circuits courts ? Pour renforcer sa volonté d’évaluer avec rigueur les délégations de services publics de l’eau et du stationnement ? Non. De ce point de vue, rien n’a changé.
Cet ultime appel au rassemblement n’est pas motivé par une nouvelle orientation politique, mais par la nécessité exogène d’organiser une énième partie de chaises musicales du fait du respect, par deux adjoints socialistes, de leur engagement de ne pas cumuler ce mandat avec leur nouveau mandat de député. Ce n’est pas notre histoire.
2. Il est trop tard pour bien faire ce que nous pourrions espérer faire. Et personne dans ce jeu de négociation n’en est dupe. À 16 mois du renouvellement de la municipalité, alors que la bataille pour la succession du maire est déjà publiquement lancée, et que les budgets de la dernière année pleine d’exercice sont en ultime écriture, la capacité opérationnelle d’élus écologistes nouvellement investis de délégations exécutives serait très faible. En terme d’action publique, le bilan que nous pourrions collectivement tirer de ce rassemblement dans la dernière ligne droite du mandat serait très hypothétique, et au final très mince.
En revanche, et la presse l’a déjà analysé en ce sens, nous donnerions des gages à l’un ou l’autre des protagonistes d’une lutte interne à l’actuelle majorité municipale, lutte qui nous est étrangère. Et nous prenons un double risque :
– celui d’être associés à un bilan municipal qui n’est pas le nôtre, dont nous contestons largement l’efficacité et la pertinence ;
– celui de nous affaiblir dans les discussions que nous aurons très vite à mener avec les autres composantes de la gauche en vue des prochaines élections municipales.
3. Il est trop tard pour que cela se fasse sans que nos valeurs en soient écornées. Le groupe des élus écologistes a malheureusement subi de profondes transformations depuis 2008. L’entrée dans la sphère exécutive municipale de 3 hommes, dont deux dépositaires de mandats importants, un conseiller général et un parlementaire, entrée rendue possible par la démission de deux adjoints socialistes qui respecteraient ainsi un engagement anticumul, quelle image donnerait donc cette tournure malheureuse ?
Celle d’un parti qui clame haut et fort son respect de la parité et son engagement contre le cumul des mandats ?
Prendrions-nous le risque de ternir notre image pour de très hypothétiques gains sur quelques réalisations municipales de dernière ligne droite, et un silence poli sur l’absence d’accord de fond sur les sujets qui nous fâchent avec le productivisme ?
Il est trois fois trop tard pour accepter d’entrer dans la majorité municipale.
Trop tard pour effacer quatre ans perdus à ne pas faire avancer des dossiers importants pour les Montpelliérains. Trop tard pour espérer en tirer de substantiels gains en termes de réalisations d’intérêt général. Trop tard pour le faire en respectant nos valeurs.
Il n’est en revanche pas trop tard pour refuser de le faire. Refusons le miroir aux alouettes d’une union de dernière minute qui nous est présentée avec la plus grande maladresse, et gardons à tout coup intactes nos possibilités d’entraîner avec nous le plus grand nombre de Montpelliérains lors du désormais si proche renouvellement de la municipalité.
François